Cette article dédié au FEC et à la conformité des logiciels de caisse fait partie d’une série de plusieurs volets destinés au Fichier des Écritures Comptables. Il est donc conseillé de prendre connaissance de l’ensemble des articles rédigés sur ce sujet :

Vers un nouveau dispositif législatif anti-fraude

Le projet de loi de finances pour 2016 à instituer dans le CGI de nouvelles obligations pour toute personne assujettie à la TVA qui « enregistre les règlements de ses clients au moyen d’un logiciel de comptabilité ou de gestion ou d’un système de caisse ».

Depuis 2018, les contribuables visés doivent « utiliser un logiciel ou un système satisfaisant à des conditions d’inaltérabilité, de sécurisation, de conservation et d’archivage des données en vue du contrôle de l’administration fiscale ».

La conformité à ces conditions serait certifiée par un organisme accrédité dans les conditions prévues à l’article L.115-28 du Code de la Consommation ou par une attestation individuelle de l’éditeur, conforme au modèle fixé par l’administration.

L’absence de ce certificat ou de cette attestation serait sanctionnée par une amende de 5 000 euros par logiciel ou système de caisse. L’assujetti concerné disposera de 60 jours pour se mettre en conformité. A défaut, il encourrait une amende.

Un droit de contrôle inopiné serait aussi institué au profit de l’administration fiscale, afin qu’elle puisse vérifier la détention dudit certificat ou de l’attestation, et ce uniquement dans les locaux professionnels et de 8 à 20 heures ou bien durant les heures d’activité professionnelle.

Cet article, qui a été voté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans la continuité des dispositions votées fin 2013 qui interdisent la modification ou la suppression de données enregistrées pour tout matériel qui permet d’automatiser des calculs et de mémoriser des opérations d’encaissement : les systèmes automatisés de caisse, ainsi que les logiciels de gestion et de comptabilité.

Qui est concerné par l’obligation de conformité des logiciels de caisse ?

Le champ d’application n’est pas le même que celui du FEC et du contrôle fiscal des comptabilités informatisées (CFCI).

Comme évoqués ci-dessus sont visés par ces obligations les assujettis à la TVA, c’est-à-dire les personnes physiques ou morales qui effectuent de manière indépendante (à la différence des salariés) des opérations taxables sur la valeur ajoutée (livraisons de biens ou prestation de service, dans le cadre d’une activité économique).

Notons qu’il sera nécessaire d’attendre les interpénétrations de l’administration pour savoir si elle compte appliquer cette obligation aux assujettis suivants :

  • assujettissement à la TVA en cas d’opérations imposables sur option,
  • entreprises étrangères effectuant en France, directement ou à travers une succursale,  des opérations soumises à TVA.

Définition des logiciels et systèmes de caisse

Courant 2014, l’administration a défini :

  • les logiciels de comptabilité comme des programmes informatiques permettant à un appareil informatique (ordinateur) d’assurer tout ou partie des tâches de la comptabilité d’une entreprise en enregistrant et traitant toutes les transactions réalisées par l’entreprise dans différents modules fonctionnels (comptabilité fournisseurs, comptabilité clients, paie, grand-livre…),
  • les logiciels de gestion comme des programmes assurant la gestion des tâches de gestion commerciale : gestion automatisée des devis, des factures, des commandes, des bons de livraison, suivi des achats et des stocks, suivi du chiffre d’affaires,
  • les systèmes de caisse comme des systèmes d’information dotés d’un ou plusieurs logiciels permettant l’enregistrement des opérations d’encaissement.

« Règlements » et « non encaissements »

L’article 38 du PLF 2016 évoque des « règlements » des clients, ce qui couvre aussi les paiements par virement, chèque ou traite. Autant de modalités de paiement qu’enregistrent les logiciels comptables.

Interrogée sur la portée de ces dispositions, la DGFiP a indiqué qu’elle visait avant tous les systèmes facilitant la fraude par dissimulation d’encaissements. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, ce type de fraude serait facilité par certains systèmes électroniques de caisse qui permettent « de retirer des recettes de la comptabilité et de reconstituer les tickets de caisse sans que cette manipulation soit décelable. Ces dispositions ne viseraient pas les logiciels comptables proprement dits. Toutefois, du fait de l’emploi du terme « règlements », ce texte se prête à une interprétation extensive. Il convient donc d’attendre celle qu’en fera la DGFiP dans le BOFiP.

Interrogation sur les conditions à satisfaire

Dès 1990, les obligations liées au CFCI ont imposé aux contribuables la conservation et l’archivage des données en vue des contrôles. Toutefois, cet article du projet de loi de finances comprend des expressions inusitées jusqu’ici par le CGI : « inaltérité » et « sécurisation ».

L’inaltérité

Est inaltérable un objet qui conserve toutes ses qualités, ses caractéristiques. Ce qualificatif est fréquemment employé en informatique à propos des supports de stockage, donc la durée de vie s’avère essentielle pour l’archivage et la conservation perenne des données.

On retrouve d’ailleurs ce terme dans le Code du commerce à propos de la liste d’émargement des électeurs enregistrées sur support « électronique scellé, non réinscriptible, rendant son contenu inaltérable et probant ».

La sécurisation

Dans le vocabulaire des tiers-archiveurs de confiance, la sécurisation a pour objet de garantir l’intégralité des documents et données archivés par des moyens techniques comme les empreintes numériques des fichiers et leur scellement.

Faut-il comprendre que tous les logiciels de gestion et de comptabilité et systèmes de caisse susceptibles d’enregistrer des règlements clients devront, peu ou prou, respecter des principes semblables à ceux appliqués par les tiers-archiveurs.

Le certificat délivré par un organisme habilité ou l’attestation de conformité devront nécessairement reposer sur un référentiel de certification. Ce dernier n’abordera-t-il que les conditions à respecter pour garantir l’inaltérabilité, la sécurisation, la conservation et l’archivage des données ?

L’AFNOR et INFOCERT ont élaboré en 2014 (et donc avant que le PLF 2016 ne vise à instaurer de nouvelles obligations), en concertation avec certains éditeurs, une norme NF 525 dans le but de proposer une marque NF pour les « logiciels de gestion d’encaissement », attestant que ceux -ci respectent un référentiel.

Questions sur les modalités d’applications des sanctions

Sur quelle base est calculée l’amende de 5 000 euros ?

Le texte évoque « une amende de 5 000 euros par logiciel de comptabilité ou de gestion ou système de caisse ». Un assujetti qui utiliserait les trois pourrait être sanctionné trois fois et serait redevable d’une amende d’au moins 15 000 euros.

Toutefois, l’amende est-elle :

  • unique pour chaque type de logiciels ou systèmes de caisse ne satisfaisant pas aux exigences fiscales (5 000 euros quel que soit le nombre de logiciels de comptabilité ou de gestion non conformes installés sur les postes) ?
  • ou bien par licence installée ou caisse utilisée ?

Le projet de loi évoque la détention obligatoire d’un certificat ou d’une attestation pour chacun des logiciels de comptabilité ou de gestion ou systèmes de caisse détenus.

Par ailleurs, le délai de 60 jours pour que l’assujetti se mette en conformité en obtenant les attestations ou certificats, ou encore en changeant son matériel ou ses logiciels, semble bien courts, notamment lorsque l’entreprise possède beaucoup de systèmes de caisse.

Question concernant le contrôle inopiné

Un contrôle inopiné de l’administration peut intervenir entre 8 et 20 heures. Or, tous les assujettis ne travaillent pas nécessairement durant cette plage horaire (elle peut être plus réduite).

En revanche, puisque les agents de l’administration peuvent contrôler, en dehors de ces heures, pendant les « heures d’activité professionnelle », on peut s’interroger sur la définition de ces heures. Celles-ci comprennent-elles le cas où les collaborateurs effectuent des heures supplémentaires ?

Par ailleurs, le contrôle ne peut s’effectuer dans les locaux privés. On pourra objecter cependant que la frontière entre locaux professionnels et domicile personnel n’est pas toujours absolue, notamment pour l’entrepreneur individuel ou dans le cas d’entreprises recourant au télétravail.

Surcoûts potentiels

Le texte n’a pas encore été approuvé par le Sénat. Néanmoins, à moins de modifications significatives, il devrait engendrer des surcoûts significatifs.

Ce sera le cas pour les éditeurs  de logiciels et fabricants de caisses enregistreuses, qui devront faire certifier ou bien attester de la conformité de leurs produits, ce d’autant plus qu’il existe une très grande variété de systèmes ou logiciels concernés.

Les logiciels maison ou sur-mesure entrent aussi dans le champ de l’obligation, dès lors qu’ils enregistrent des règlements de clients.

Ce sera aussi le cas pour les assujettis, du petit commerçant au grand groupe de distribution international, qui devront éventuellement remplacer leur systèmes de gestion de comptabilité ou de caisses non conformes.

Nous ne pouvons qu’inciter éditeurs et utilisateurs à mettre à profit le délai de 2 ans pour se préparer…

Pour une définition des exigences requises des logiciels comptables

La procédure de validation des écritures comptables informatiques a été introduite dans le Code de commerce et du PCG voilà plus de trente ans, au démarrage de la micro-informatique.

Cependant, les progiciels comptables et les ERP ont connu depuis une évolution considérable dans leurs fonctionnalités et leurs architectures. Force est de constater que les incidences pratiques de cette obligation ne sont pas encore claires…

Il devient essentiel de préciser ce que peut ou doit permettre un progiciel de gestion comptable, au regard des textes comptables et fiscaux, et ce qu’il convient de prohiber.

L’enjeu est double puisque :

  • utilisateurs et éditeurs risquent de faire l’objet de sanctions financières et pénales pour avoir utilisé, distribué ou paramétré des logiciels « permissifs »,
  • la déductibilité  fiscale des écritures de charges pour être validées pourrait être remise en question.

En outre, on ne peut que souhaiter une évolution de la réglementation comptable afin de tenir compte, d’une part, de l’évolution des techniques informatiques et d’autre part, des différences d’organisation comptable et de moyens entre les TPE, les PME, les ETI et les grands groupes.

La loi 2013-1117 du 6 décembre 2013 sanctionne des suppressions d’enregistrements informatiques dans les systèmes de caisse et les logiciels comptables ou de gestion. Il serait souhaitable que le référentiel de certification, ne se limite pas à l’inaltérabilité, la sécurisation, la conservation et l’archivage des données. L’instauration du FEC a induit ou remis au goût du jour aussi d’autres contraintes sur les comptabilités informatisées.

Un tel référentiel serait l’occasion d’indiquer clairement quelles exigences minimales, comptables et fiscale doivent satisfaire les logiciels de gestion, de comptabilité et des systèmes de caisse.

Les entreprises et leurs conseils ont besoin de sécurité pour pouvoir se développer sereinement.