Depuis le 23 août 2025, un changement majeur bouleverse la manière dont les informations des dirigeants apparaissent dans l’extrait Kbis. Longtemps considéré comme la carte d’identité officielle des entreprises françaises, le Kbis a toujours affiché l’adresse personnelle des gérants et associés indéfiniment responsables. Désormais, cette pratique appartient au passé : un décret récent permet d’occulter ces données sensibles, réconciliant ainsi la nécessaire transparence des affaires avec la protection de la vie privée.
La transparence économique face à la protection de la vie privée
L’extrait Kbis a pour mission première d’assurer la publicité légale des sociétés immatriculées au registre du commerce et des sociétés. Toute personne peut y vérifier l’existence d’une entreprise, son numéro SIREN, son siège social, son capital, son objet social, ainsi que l’identité de ses dirigeants. Jusqu’à présent, cette exigence de transparence allait jusqu’à publier l’adresse personnelle des représentants légaux, une donnée particulièrement sensible puisqu’elle permettait à n’importe qui d’identifier le lieu de résidence privé d’un chef d’entreprise.
Ce choix, longtemps justifié par le souci de fiabilité et de traçabilité des informations, s’est progressivement heurté à de vives critiques. Les arguments en faveur d’une meilleure protection de la vie privée se sont multipliés au fil des années. De nombreux dirigeants, notamment de petites structures, ont dénoncé les risques liés à cette exposition. Lorsqu’une société est domiciliée au domicile du gérant, comme c’est souvent le cas lors de la création d’entreprise, l’adresse privée devenait accessible à tous. Cette situation pouvait conduire à du harcèlement, à des pressions ou même à des menaces ciblées.
L’avènement du RGPD, en 2018, a accentué ces tensions. Comment concilier les principes de minimisation et de protection des données personnelles avec une pratique qui rendait public un élément aussi intime que le domicile d’un chef d’entreprise ? La question n’était plus seulement juridique : elle devenait un enjeu de sécurité. Ces dernières années, des affaires médiatisées ont mis en lumière les dangers concrets que pouvaient représenter cette exposition, notamment pour les dirigeants d’entreprises évoluant dans des secteurs sensibles comme la cybersécurité, les cryptomonnaies ou le conseil stratégique.
Un décret attendu et une réforme de bon sens
C’est dans ce contexte que le décret n° 2025-840 du 22 août 2025 est venu trancher le débat. Publié au Journal officiel, il instaure une avancée de taille : les dirigeants, tout comme les associés indéfiniment responsables, peuvent désormais demander l’occultation de leur adresse personnelle dans les extraits Kbis rendus publics. La réforme est entrée en vigueur immédiatement, dès le 23 août 2025, et elle marque une rupture avec des décennies de pratiques inchangées.
Cette évolution répond à une double exigence. D’une part, elle sécurise la vie des entrepreneurs, en particulier ceux dont le domicile coïncide avec le siège social. D’autre part, elle maintient l’essentiel de la transparence économique, car les informations relatives à l’identité des dirigeants, au capital ou à l’objet social demeurent accessibles. Le Kbis conserve ainsi son rôle de garant de la fiabilité des informations commerciales, mais débarrassé d’une donnée jugée disproportionnée et dangereuse.
Une procédure simplifiée pour les dirigeants
L’une des forces de ce nouveau dispositif réside dans sa simplicité. Les dirigeants souhaitant protéger leur adresse personnelle doivent effectuer une demande via le guichet unique des formalités d’entreprise, désormais incontournable pour toute interaction avec le registre du commerce. Une fois la requête déposée, un récépissé est remis immédiatement au demandeur, garantissant la traçabilité de la démarche. Le greffe dispose alors de cinq jours ouvrables pour exécuter la demande.
Le décret prévoit également une innovation intéressante : l’occultation peut s’appliquer rétroactivement. Autrement dit, les dirigeants qui avaient déjà publié leur adresse personnelle peuvent demander que leurs anciens actes soient remplacés par des versions « expurgées ». Dans ce cas, le greffe conserve l’acte original, accessible uniquement aux autorités ou aux professionnels habilités, mais le public ne verra plus apparaître l’information sensible.
La réforme a également clarifié la question des coûts. Lorsque la demande d’occultation accompagne une formalité RCS classique, elle est gratuite. En revanche, si elle est déposée isolément, des frais modestes s’appliquent : environ 53 € pour le Kbis et 7,60 € par acte à remplacer. Ce tarif, jugé raisonnable, évite que la confidentialité ne devienne un luxe inaccessible.
Qui peut bénéficier de l’occultation ?
Le champ d’application du décret est large. Il concerne non seulement les dirigeants de sociétés (gérants de SARL, présidents et directeurs généraux de SAS, administrateurs de SA, membres du directoire), mais aussi les associés indéfiniment responsables, notamment dans les sociétés en nom collectif. En pratique, toute personne physique mentionnée dans l’extrait Kbis peut désormais protéger son adresse personnelle.
Il est important de souligner que cette occultation n’empêche pas certains acteurs d’accéder à l’information complète. Les autorités judiciaires, les services fiscaux, les douanes ou encore les organismes de lutte contre le blanchiment comme TRACFIN continueront d’avoir un accès total aux données. De même, certains professionnels du droit, tels que les notaires, huissiers ou mandataires judiciaires, pourront consulter les actes originaux lorsqu’ils justifient d’un intérêt légitime. Le décret instaure donc une confidentialité relative : l’information disparaît du domaine public mais reste accessible aux acteurs habilités.

Un équilibre entre transparence et sécurité
Cette réforme marque un tournant dans la manière dont la France conçoit la publicité légale. Pendant longtemps, la transparence totale était considérée comme une garantie absolue de confiance économique. Or, à l’ère numérique, où l’accès aux informations est instantané et mondial, cette transparence brute se retourne parfois contre ceux qu’elle est censée protéger. Publier une adresse personnelle dans un registre accessible en quelques clics à des millions d’internautes n’est plus seulement une question de formalité juridique : c’est un risque réel de sécurité.
Avec ce décret, le gouvernement a cherché à trouver un point d’équilibre. La publicité légale continue de jouer son rôle, mais elle se concentre désormais sur les informations pertinentes pour la vie économique. La vie privée des dirigeants, quant à elle, bénéficie d’une reconnaissance nouvelle. Cette approche pragmatique s’inscrit dans un mouvement plus large, déjà amorcé dans d’autres pays européens, qui tend à concilier transparence et respect du droit à la protection des données personnelles.
Une mesure largement saluée
Du côté des praticiens du droit et des représentants d’entreprises, l’accueil de la réforme a été globalement positif. Les greffiers, chargés de mettre en œuvre la procédure, y voient un ajustement de bon sens, qui ne remet pas en cause leur mission fondamentale de garantir la fiabilité du registre du commerce. Les organisations patronales saluent une avancée qui protège concrètement les entrepreneurs sans complexifier les démarches administratives.
Les experts soulignent également la portée symbolique de cette réforme. Elle envoie un message clair : la France prend en compte les risques liés à l’exposition numérique des données personnelles et adapte son droit des sociétés aux réalités contemporaines. Pour de nombreux dirigeants, souvent confrontés à la solitude face aux risques liés à leur fonction, cette mesure représente un gain de sérénité non négligeable.
Quelles perspectives pour demain ?
L’occultation de l’adresse personnelle dans le Kbis pourrait bien n’être qu’une étape dans un mouvement plus vaste. La digitalisation des registres, leur ouverture croissante au public et la mise en conformité avec le RGPD laissent présager d’autres évolutions. À moyen terme, on peut imaginer un système d’accès différencié, où certaines informations seraient visibles uniquement pour des profils authentifiés ou des autorités légitimes.
La question pourrait aussi s’étendre à d’autres données. Les adresses électroniques personnelles, les numéros de téléphone privés ou d’autres informations sensibles pourraient, à leur tour, faire l’objet d’une protection accrue. En toile de fond, se dessine un modèle de « transparence responsable » : donner aux citoyens et aux acteurs économiques les informations nécessaires pour identifier une société, sans pour autant exposer inutilement la vie privée de ceux qui la dirigent.
La réforme introduite par le décret du 22 août 2025 met fin à une pratique qui paraissait de plus en plus anachronique. Elle redonne aux dirigeants un droit élémentaire : celui de protéger leur domicile et leur vie privée, tout en maintenant une transparence suffisante pour assurer la confiance dans la vie économique.
Au-delà de son aspect technique, cette évolution illustre un changement profond dans la conception de la publicité légale. L’époque où l’on sacrifiait la vie privée au nom d’une transparence absolue semble révolue. Désormais, le défi consiste à trouver l’équilibre entre des exigences parfois contradictoires : sécurité, confidentialité et transparence. Le décret n° 2025-840 offre une réponse concrète et pragmatique, qui pourrait inspirer de nouvelles réformes dans les années à venir.
FAQ sur l’occultation de son adresse personnelle dans le kbis
Qui peut demander l’occultation de son adresse personnelle dans le Kbis ?
Depuis le décret n° 2025-840, les dirigeants de sociétés et les associés indéfiniment responsables peuvent demander à masquer leur adresse personnelle.
Comment faire pour supprimer son adresse personnelle d’un Kbis ?
La demande s’effectue via le guichet unique des formalités d’entreprise. Le greffe traite la requête dans un délai de cinq jours ouvrables.
Est-ce que l’occultation d’adresse dans le Kbis est gratuite ?
Oui, si la demande accompagne une formalité RCS. Sinon, des frais s’appliquent : environ 53 € pour un Kbis et 7,60 € par acte expurgé.
Qui peut encore accéder à l’adresse personnelle du dirigeant ?
L’adresse reste accessible aux autorités judiciaires, fiscales et aux professionnels habilités (notaires, huissiers, mandataires judiciaires).
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