Frédéric Hoareau, expert-comptable associé, et Frédérique Fontaine, responsable RH et paie de Walter France, ont commenté les évolutions des mesures spécifiques au Covid-19 lors du troisième webinar organisé par ce réseau de conseil, d’expertise comptable et d’audit qui a rassemblé plus de 400 entrepreneurs.
Les mesures continuent à évoluer et à s’adapter ; elles ont fait l’objet d’une nouvelle ordonnance le 22 avril 2020.
Modification du dispositif d’arrêt de travail pour garde d’enfants
Le dispositif des arrêts de travail pour garde d’enfants et pour personnes fragiles prend fin au 30 avril. Jusqu’à cette date, le salarié était indemnisé pour partie par la sécurité sociale et pour partie par l’employeur, à 90 %, mais sans congés payés.
A partir du 1er mai, ces personnes vont basculer directement en chômage partiel. La conséquence de ce basculement est que leur salaire passera de 90 % à 84% de leur salaire net, un montant qui peut être porté à 100 % pour les salariés rémunérés au niveau du SMIC, en revanche ils acquerront des congés payés. L’entreprise ne paiera pas de charges sur ces 84 %. Si l’entreprise était déjà en activité partielle, la bascule sera automatique.
Si l’entreprise n’a pas encore mis en place d’activité partielle et que le télétravail est impossible, l’entreprise devra, comme précédemment, demander, sous 30 jours, une autorisation préalable.
Evolution relative à l’indemnité complémentaire d’activité partielle
A partir du 1er mai, si le total de l’indemnité légale d’activité partielle et de l’éventuelle indemnité complémentaire versée par l’employeur est supérieur à 31,97 euros horaire (70 % de 4,5 fois la valeur du SMIC), la part de l’indemnité employeur versée au-delà de ce montant sera assujettie aux contributions et cotisations sociales.
Les heures non travaillées au-delà de la durée légale ou collective seront prises en compte si elles ont fait l’objet d’une convention ou d’un contrat conclu avant le 24 avril 2020.
Possibilité d’individualiser l’activité partielle
Jusqu’ici, l’activité partielle devait être répartie équitablement entre les salariés (même catégorie, même équipe…). L’ordonnance du 22 avril permet de recourir désormais, à titre dérogatoire, à l’activité partielle de manière individualisée et non uniformisée.
Cette mesure est prise pour faciliter la reprise du travail après le déconfinement. Concrètement, un dirigeant pourra remettre au travail une partie de ses effectifs, au niveau d’une entreprise, d’un établissement, d’un service ou d’un atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie professionnelle ; ou de leur appliquer une répartition différente des heures travaillées et non travaillées, lorsque cette individualisation est nécessaire pour assurer le maintien ou la reprise d’activité.
Cette organisation sera possible jusqu’au 31 décembre 2020.
Les délais de consultation des institutions représentatives des salariés pour ce faire seront réduits par décret. Ces accords ou les décisions unilatérales de l’employeur cesseront automatiquement le 31 décembre 2020.
Attention aux conséquences du télétravail pour les salariés
Une récente étude démontre que si 60 % des salariés sont plutôt motivés par le télétravail, 40 % d’entre eux éprouvent des difficultés : manque de matériel à leur domicile, difficultés pour se concentrer, pour concilier le télétravail avec la vie personnelle, notamment avec les enfants, manque de contact avec les collègues, sentiment de ne pas être utile à l’entreprise, peur de ne pas satisfaire les attentes des clients.
Rappelons que l’employeur a une obligation de résultat en matière de santé et de sécurité de ses salariés. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale en mettant en œuvre des actions de prévention, d’information, d’organisation et des moyens adaptés.
En temps normal l’employeur ne peut pas imposer le télétravail, sauf en cas de circonstances exceptionnelles (article L.1222-11 du Code du travail) notamment de menace d’épidémie, où le télétravail est considéré comme un simple aménagement de poste rendu nécessaire pour assurer la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Mais il doit être particulièrement vigilant sur ces problèmes précités et tout mettre en œuvre pour diminuer leur impact par un management adapté.
Des reports d’échéances fiscales bienvenues
La plupart des échéances fiscales – impôt sur les sociétés, CVAE, etc. – sont reportées au 30 juin 2020. Ces reports étaient très attendus. Ils vont permettre d’une part de laisser du temps aux entreprises pour satisfaire à leurs obligations déclaratives : avec le télétravail, les services comptables n’ont pas toujours pu « boucler » les comptes ; d’autre part d’avoir une bouffée d’oxygène en termes de trésorerie, grâce à un mois/un mois et demi de délai de paiement supplémentaire.
Rappelons qu’aucun report n’est admis pour la TVA, qui représente 50 % du budget de l’Etat. Le droit commun continue à s’appliquer : acomptes possibles durant deux mois, mais régularisation obligatoire le troisième mois.
Fonds de solidarité : assouplissements et restrictions
En une semaine, l’administration a reçu 770 000 demandes, dont 425 000 ont donné lieu à un versement, représentant 556 millions d’euros.
Rappelons que cette aide, destinée aux TPE, micro-entrepreneurs et professions libérales réalisant un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros, avec moins de dix salariés et un bénéfice de moins de 60 000 euros, peut aller jusqu’à 1500 euros. La condition initiale qui avait été posée était que la baisse du chiffre d’affaire entre mars 2019 et mars 2020 devait atteindre 50 %. Mais cette condition défavorisait certaines entreprises, notamment celles ayant une activité saisonnière. A compter d’avril, la condition des 50 % perdure, mais est assouplie : l’entreprise peut également opter pour la comparaison avec la moyenne mensuelle de la totalité du chiffre d’affaires de l’année 2019. Par ailleurs, les entreprises en difficulté qui n’étaient pas en liquidation judiciaire au 1er mars peuvent désormais bénéficier du dispositif.
En revanche, certaines restrictions apparaissent : concernant le bénéfice de 60 000 euros, en mars, toutes les rémunérations chargées des mandataires sociaux devaient y être réintégrées. A partir du mois d’avril, cette réintégration ne concernera que les mandataires sociaux associés.
D’autres mesures de soutien
Les CFE, centres de formalités des entreprises, vont mettre en place de nombreux téléservices pour faciliter les différents enregistrements des entreprises.
L’Ordre des experts-comptables et Bpifrance ont mis en place un « Prêt rebond full digital » qui permettra d’obtenir un prêt entre 10 000 et 50 000 euros, remboursable sur sept ans après deux ans de différé et avec un taux de 0 %, sans garantie ni aucun frais de dossier, cumulable avec le PGE. Toutefois, le montant cumulé des deux prêts ne pourrait à priori pas excéder 25 % du chiffre d’affaires. L’intérêt : un traitement encore plus rapide grâce à l’intermédiation du tiers de confiance qu’est l’expert-comptable.
Attention à la cyber-criminalité
Les employeurs doivent être particulièrement vigilants car l’usage du télétravail est propice à une recrudescence des fraudes. La plupart des précautions à prendre sont des mesures de bon sens, et pourtant elles ne sont régulièrement pas appliquées. Entre autres, les managers doivent identifier les postes particulièrement à risques tels que la comptabilité, vérifier que les codes d’accès ne sont pas accessibles, s’assurer que les antivirus sont à jour, faire ou faire faire des sauvegardes, tandis que l’ensemble des usagers devront faire preuve d’une vigilance renforcée dans leurs pratiques quotidiennes.
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