En novembre 2025, un séisme a secoué l’écosystème européen de la Fintech et de la gestion d’entreprise : l’éditeur de logiciels lyonnais Cegid a annoncé son intention d’acquérir la licorne européenne Shine, issue de sa fusion avec le groupe danois Ageras, pour une estimation de plus d’un milliard d’euros (>1 Md€). Ce montant significatif, qualifié de spectaculaire, représente la plus grosse acquisition jamais réalisée en quarante ans par le groupe tricolore fondé par Jean-Michel Aulas.

Cette opération ne relève pas d’une simple consolidation financière. Elle marque un tournant historique pour l’industrie. Dans un contexte où l’activité de Fusions et Acquisitions (M&A) a été soutenue pour la troisième année consécutive en 2024 (avec 54 opérations recensées dans la Fintech française), ce deal est emblématique de la volonté d’intégrer la chaîne de valeur « banking to accounting ».

Cegid ne rachète pas une simple néobanque : il réorganise le futur du logiciel comptable en Europe.

En fusionnant le logiciel de gestion de Cegid avec les capacités bancaires et les solutions paneuropéennes de Shine/Ageras, Cegid crée l’une des premières plateformes cloud-native, pilotées par l’IA et entièrement intégrées pour les PME et les professionnels de la comptabilité en Europe. L’enjeu est de taille : devenir le copilote financier de référence en Europe, répondre à la vague de facturation électronique et se positionner face aux géants mondiaux comme QuickBooks, Xero, Visma ou les acteurs intégrés américains (Intuit, Stripe…).

🔷 1. La chronologie complète de l’opération (enfin expliquée clairement)

Le rachat de Shine par Cegid en novembre 2025 est l’aboutissement d’une série complexe de mouvements de M&A, illustrant la consolidation rapide du secteur « banking to accounting ».

Historique de Shine (France) et d’Ageras (devenu Shine)

1. Fondation et croissance de Shine (2017 – 2020)

Shine est fondée en France en 2017 par Nicolas Reboud et Raphaël Simon pour réduire la charge administrative des indépendants via un compte pro en ligne. Après une première levée de 2,8 M€ en juillet 2017, puis 8 M€ en septembre 2018, Shine opère d’abord comme agent de Treezor pour les services bancaires en marque blanche. Son offre devient payante en 2019, en intégrant progressivement des services d’assurance, d’assistance et d’accompagnement à la création d’entreprise.

2. Passage par la Société Générale (2020 – 2024)

En juin 2020, Shine est rachetée par le groupe Société Générale (SG) pour une somme estimée par la presse à environ 100 M€. L’objectif : distribuer l’offre Shine aux clients professionnels de la banque. Sous l’égide de SG, Shine obtient en septembre 2021 son agrément d’Établissement de Paiement (EP) auprès de l’ACPR et étend ses services, notamment avec la possibilité de dépôt d’espèces via les buralistes dès 2022. En janvier 2024, SG décide finalement de mettre Shine en vente pour simplifier son organisation et se recentrer sur son réseau SG afin d’augmenter sa rentabilité.

3. L’acteur danois Ageras (fondation 2012)

Fondée en 2012 au Danemark par Rico Andersen et Martin Hegelund, Ageras est un établissement de paiement danois dont la plateforme met en relation entreprises, particuliers et experts financiers/juridiques (comptables, avocats…). En mars 2017, le fonds d’investissement bahreïnien Investcorp en devient l’actionnaire majoritaire. Ageras s’est rapidement développé à l’international, étant actif dans sept pays depuis 2019, et affichait en 2024 un chiffre d’affaires de 55 M€ pour un résultat net de 8,7 M€.

4. Rachat de Shine par Ageras (2024 – 2025)

En juin 2024, Société Générale cède sa filiale Shine à Ageras à un prix non rendu public estimé autour de 131 M€. Cette opération, dont la finalisation était prévue au premier semestre 2025, s’inscrit dans la stratégie de recentrage de SG sur son réseau de banque de détail. Ageras reprend l’ensemble des activités et des collaborateurs de Shine. Les deux entités fusionnent ensuite pour opérer sous le nom commercial de Shine, devenant une licorne européenne. En juillet 2025, Ageras poursuit sa stratégie de croissance externe en rachetant la startup néerlandaise Employes. Shine sert plus de 400 000 PME avec une plateforme intégrée combinant compte pro, facturation, comptabilité, paie et automatisation administrative.

5. Cegid finalise le deal (novembre 2025)

Le 26 novembre 2025, Cegid, contrôlé par le fonds Silver Lake, annonce son intention de racheter l’entité Shine (Ex Ageras) pour une valorisation supérieure estimée par plusieurs médias à un milliard d’euros, sous réserve des autorisations réglementaires et financières usuelles. Il s’agit de la plus grande acquisition de l’histoire de Cegid.

Montants et rôle des acteurs financiers

La trajectoire de valorisation est spectaculaire : d’environ 41 M€ lors du rachat initial par Société Générale en 2020 à 131 M€ lors de la cession à Ageras en 2024, pour dépasser le milliard d’euros lors de l’acquisition par Cegid en 2025. La valeur de Shine a ainsi été multipliée par 24 en sept ans.

Investcorp, actionnaire majoritaire d’Ageras depuis 2017, enregistre à cette occasion un retour sur investissement majeur. Silver Lake, en tant que partenaire de contrôle de Cegid, joue un rôle clé dans le financement et la structuration de cette combinaison transformatrice.

🔷 2. Ce que Cegid rachète vraiment (bien plus qu’une néobanque)

L’acquisition va bien au-delà d’un simple compte pro. Cegid met la main sur une plateforme paneuropéenne full stack intégrant finance, logiciel de gestion et réseau d’experts-comptables.

Une fintech régulée (Établissement de Paiement) : Shine dispose d’un agrément d’Établissement de Paiement (EP) délivré par l’ACPR depuis septembre 2021. Ageras est également un établissement de paiement danois. Cet ancrage réglementaire est stratégique pour gérer des flux monétaires massifs et opérer directement sur le terrain des services financiers.

Un acteur paneuropéen : Ageras était déjà actif dans sept pays (notamment pays nordiques, Allemagne, Pays-Bas, etc.). L’entité combinée Cegid/Shine/Ageras servira plus d’un million de PME et 15 000 experts-comptables à travers la France, l’Allemagne (zone DACH), l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, le Danemark et la Belgique.

Une suite SaaS complète : L’offre fusionnée couvre la création d’entreprise, la facturation électronique, la gestion commerciale, la paie, la pré-comptabilité et la fiscalité. Le rachat d’EBP par Cegid en juillet 2024 avait déjà renforcé sa présence sur la facturation et la gestion commerciale des TPE/PME en France. L’ajout de Shine/Ageras permet de compléter la chaîne par la brique bancaire.

Une brique bancaire intégrée (compte pro, cartes, paiements) : Shine apporte plus de 400 000 clients professionnels (TPE/PME/indépendants) et des capacités avancées en matière de comptes pro, cartes, virements et paiements, directement connectées à la comptabilité.

Un réseau de cabinets comptables : Cegid est déjà un leader historique auprès des experts-comptables. Avec cette opération, l’éditeur vise explicitement à renforcer la position stratégique des cabinets en leur donnant accès à une plateforme unifiée, partagée avec leurs clients, sur l’ensemble du cycle financier.

🔷 3. Pourquoi Cegid fait ce choix (et pourquoi maintenant)

L’opération s’inscrit dans la stratégie « Forward 2026 » de Cegid, qui vise 1,3 Md€ de chiffre d’affaires en 2026, en combinant croissance organique et croissance externe (Primavera, Sevdesk, EBP, puis Shine/Ageras).

A. Facturation électronique : l’élément déclencheur

L’Union européenne impose progressivement la facturation électronique et le reporting numérique à l’ensemble des entreprises. Cette obligation, couplée aux réformes TVA et aux standards Peppol/FEC, crée un besoin massif d’intégration entre facturation, flux bancaires et comptabilité. En contrôlant à la fois le logiciel de gestion et le compte pro, Cegid se place en amont des flux pour capter la valeur de cette transformation réglementaire.

B. Un mouvement d’intégration verticale

L’intégration verticale de la finance dans le logiciel (Embedded Finance) est une tendance lourde : elle fait disparaître la frontière entre outils comptables et services bancaires.

Logiciel + Banque = plateforme tout-en-un : Cegid ambitionne une plateforme qui couvre l’immatriculation, le compte pro, la facturation, la paie, la compta et la fiscalité.

Captation de nouvelles marges : en addition des abonnements SaaS classiques, Cegid peut désormais capter les marges liées aux services financiers (cartes, paiements, virements, change, etc.), avec un modèle de revenus récurrents plus riche.

C. Accélération internationale

Avec Shine/Ageras, déjà implantés dans plusieurs zones clés (DACH, Benelux, Espagne, Portugal, pays nordiques), Cegid gagne plusieurs années dans sa conquête européenne. L’objectif est de proposer une alternative européenne crédible face aux suites américaines et anglo-saxonnes (QuickBooks/Intuit, Xero, Stripe, Visma…).

D. Offensive contre Pennylane, MyUnisoft, Sage, Intuit, Odoo, Zoho…

Le marché du Middle & Back-office, animé par des acteurs comme Pennylane, Agicap, MyUnisoft, Odoo ou Zoho, est l’un des plus dynamiques de la Fintech française (croissance forte des effectifs et investissements en 2024). En proposant une solution intégrée de bout en bout (banque + facturation + compta + paie), Cegid répond frontalement à ces nouveaux entrants et réaffirme son ambition de devenir « la » référence des petites et moyennes entreprises.

🔷 4. Comparatif : modèle Cegid vs modèle Swan (Banking-as-a-Service)

Le choix de Cegid de racheter une fintech régulée pour plus d’un milliard d’euros contraste avec la stratégie plus légère du Banking-as-a-Service (BaaS) portée par des acteurs comme Swan, sur laquelle s’appuient plusieurs éditeurs concurrents.

➤ Cegid : intégration verticale (rachat)

En acquérant Shine, Cegid internalise l’agrément d’Établissement de Paiement et assume un CAPEX massif. En contrepartie, l’éditeur :

  • contrôle intégralement la roadmap produit et technologique ;
  • gère la conformité en interne (ACPR, AML, KYC, DORA…) ;
  • maîtrise les données financières et comptables, levier clé pour l’IA ;
  • crée un écosystème propriétaire difficile à reproduire par les concurrents.

➤ Les autres éditeurs : bancarisation en marque blanche via Swan

À l’inverse, de nombreux éditeurs de logiciels de gestion (Pennylane, Indy, Agicap, Axonaut, MyUnisoft, Lucca…) s’appuient sur des solutions BaaS comme Swan. Ces plateformes fournissent :

  • une infrastructure API bancaire clé en main (IBAN, cartes, ledger, paiements) ;
  • la prise en charge de la conformité (KYC, AML, SCA) ;
  • un time-to-market très court pour intégrer la « brique banque ».

En contrepartie, la régulation est externalisée et les marges sont partagées avec le fournisseur BaaS, ce qui limite la création de valeur à long terme et la différenciation produit.

➤ Tableau comparatif

CritèreCegid + ShineÉditeurs via Swan
StratégieIntégration verticaleMarque blanche BaaS
InfrastructurePropriétaireSwan
RégulationInterne (ACPR, EP)Externalisée (via le BaaS)
MargesCapturées par CegidPartagées avec Swan
Time-to-marketPlus long (intégration post-acquisition)Très court
InternationalisationForte (sur base Ageras/Cegid)Dépend des pays couverts par Swan
Différenciation marchéTrès forte (plateforme A–Z)Moyenne

Comprendre les rôles de Shine, Qonto et Swan dans l’écosystème comptable

Beaucoup d’utilisateurs pensent que Pennylane, Dougs ou Regate « utilisent Qonto comme banque ». La réalité est différente : Qonto est la banque des utilisateurs, mais pas la brique bancaire interne des éditeurs.

Les éditeurs qui proposent un compte pro intégré s’appuient en réalité sur des solutions de Banking-as-a-Service comme Swan. Pennylane, par exemple, repose sur Swan pour son IBAN et ses cartes, alors que Dougs agrège la banque du client (Qonto, Shine, BNP, etc.) sans être une banque lui-même.

Shine apporte à Cegid ce que Qonto apporte à ses clients : une brique bancaire complète (IBAN, cartes, conformité ACPR) – mais Shine est désormais intégrée verticalement dans l’écosystème Cegid. C’est une différence structurante par rapport aux modèles Pennylane + Swan ou Dougs + banques tierces.

Qui utilise quoi ? (Schéma de compréhension visuel)

Cegid + Shine

Banque intégrée (EP)
IBAN + cartes internes
Infrastructure propriétaire

Shine EP

Conformité ACPR
Brique bancaire native

Utilisateurs TPE / Indépendants

Qonto, Shine, BNP, SG, Crédit Mutuel…

flux API

Dougs, Sage, Regate, MyUnisoft…

Production comptable & précompta
Agrégation bancaire (Qonto, Shine, banques traditionnelles…)

Pennylane

Agrégation bancaire classique
+ Compte interne basé sur Swan

Toutes banques

Qonto, Shine, banques traditionnelles…
Comptes détenus directement par les utilisateurs

Swan

BaaS interne pour éditeurs
IBAN + cartes en marque blanche

🔷 5. Les risques du rachat

Une opération de plus d’un milliard d’euros comporte nécessairement des risques, que Cegid devra piloter finement.

Intégration complexe (tech, culture, conformité) : Cegid a déjà une expérience de l’intégration de scale-ups (Talentsoft, EBP…), mais Shine/Ageras est une fintech régulée, avec sa propre culture, ses systèmes et ses contraintes de place. Cela complexifie fortement le projet d’intégration.

Risques réglementaires (ACPR, AML, KYC, DORA) : En devenant opérateur d’un EP, Cegid se place sous le regard renforcé des régulateurs. Entre ACPR, paquet LCB-FT (AMLD6, AMLA) et entrée en vigueur de DORA en janvier 2025, les exigences en matière de résilience opérationnelle, de surveillance des risques et de lutte contre la fraude explosent.

Risque de cannibalisation produits : L’offre Shine/Ageras entre potentiellement en chevauchement avec certaines solutions historiques de Cegid ou avec l’offre EBP, notamment sur la facturation et la gestion commerciale. Un travail de clarification de gamme et de migration produits sera indispensable.

Risque de surpayer l’acquisition : Une valorisation au-delà du milliard, après un rachat 24 fois moins élevé en 2018, pose la question du retour sur investissement. Si la rétention clients, la monétisation des services financiers ou les synergies attendues déçoivent, le risque d’avoir surpayé sera pointé par le marché.

Risque vis-à-vis du marché TPE : En 2024, la Fintech française a connu 19 cas de défaillance, rappelant la fragilité de certains modèles. L’adhésion des TPE/PME et leur confiance dans le transfert de leur compte bancaire vers une plateforme intégrée seront des facteurs décisifs.

Positionnement vis-à-vis des experts-comptables : Si la plateforme capte trop directement la relation TPE/PME, certains cabinets pourraient craindre une désintermédiation. L’enjeu pour Cegid sera de convaincre qu’il s’agit d’un levier de « compta augmentée » et non d’un contournement de la profession.

🔷 6. Ce que cela change pour les experts-comptables

Le rachat Shine/Ageras par Cegid consacre une transformation profonde du métier d’expert-comptable, désormais structuré autour d’un flux financier en temps réel.

Passage à une comptabilité temps réel : Grâce au compte pro intégré, aux flux bancaires synchronisés et à la facturation électronique, la comptabilité cesse d’être une « reconstitution a posteriori » pour devenir un pilotage continu.

Plateformes unifiées et relation TPE : La plateforme Cegid/Shine permet aux experts-comptables et à leurs clients de travailler dans le même environnement numérique, ce qui facilite les échanges, réduit les délais de collecte des pièces et ouvre la voie à de nouveaux services de conseil.

Compta augmentée par la banque : En intégrant les services bancaires au cœur du dispositif, l’expert-comptable peut proposer des offres de pilotage de trésorerie, de prévisionnel, de financement ou d’optimisation fiscale plus pertinentes, basées sur des données fiables et fraîches.

Devoir de choisir un écosystème : Face à Cegid d’un côté, et à des acteurs comme Pennylane ou MyUnisoft de l’autre (souvent branchés sur des offres BaaS), les cabinets devront arbitrer et structurer leur stratégie numérique autour d’un écosystème principal.

🔷 7. Ce que cela change pour les TPE/PME

Pour les TPE/PME, cette opération répond à un besoin central : moins d’administratif, plus de clarté et de pilotage.

Simplification extrême : Banque, facturation électronique, comptabilité, paie, TVA et reporting sont rassemblées sur une seule interface européenne unifiée. Le fameux « guichet unique » devient concret.

Fin (progressive) de la double saisie comptable : L’objectif affiché par Cegid est de mettre fin à la double saisie, grâce à l’IA de catégorisation des opérations, au rapprochement automatique et à la centralisation des flux. Une grande partie de la ressaisie manuelle disparaît.

Services automatisés : Trésorerie, recouvrement, suivi TVA, alertes de conformité… de nombreux processus peuvent être automatisés à partir des données bancaires et comptables consolidées, suivant la logique déjà portée par des outils de Middle/Back-office comme Agicap ou Pigment.

Expérience multi-pays simplifiée : Pour les entreprises actives en France, dans la zone DACH, au Benelux, en Espagne ou au Portugal, l’usage d’un même socle technologique et bancaire facilite grandement le suivi et la consolidation.

🔷 8. Ce que Cegid veut devenir à l’horizon 2027–2030

Avec Shine/Ageras, Cegid franchit une étape décisive dans sa mission de construire une division « Small Business » pan-européenne, full cloud et fortement intégrée.

Une plateforme européenne all-in-one : L’ambition est claire : devenir le copilote financier de référence en Europe pour les PME et les experts-comptables, en combinant facturation, comptabilité, paie, fiscalité et services bancaires.

Un modèle inspiré des leaders mondiaux : Cegid vise un modèle qui marie les forces de QuickBooks/Intuit (gestion intégrée), Revolut (agilité bancaire), PayFit (paie) et Pennylane (comptatech temps réel), mais avec une assise réglementaire et locale européenne.

Une stratégie multi-segment : Après avoir servi près de 750 000 clients dans le monde avant l’acquisition d’EBP, Cegid vise désormais plus d’un million de PME et 15 000 experts-comptables sur un périmètre européen élargi.

Un hub de conformité fiscalo-financière : L’intégration de la brique bancaire et des flux de facturation électronique place Cegid en position de hub de conformité pour les entreprises, du niveau national (France) au niveau européen.

🔷 9. Synthèse

En moins de douze mois, Shine est passée d’une filiale en vente de la Société Générale à une composante clé d’une transaction à plus d’un milliard d’euros, illustrant la puissance du modèle combinant Banktech et Comptatech.

Ce rachat n’est pas qu’un mouvement capitalistique : c’est une stratégie ambitieuse de Cegid et Silver Lake sur l’avenir de la gestion d’entreprise en Europe. En choisissant l’intégration verticale et l’internalisation de l’agrément d’Établissement de Paiement, Cegid se donne les moyens de maîtriser sa feuille de route, de sécuriser la conformité de bout en bout et de capter la valeur sur l’ensemble du flux financier.

  • Pour les TPE/PME : la promesse d’une simplification extrême, de la réduction de l’administratif et de la fin progressive de la double saisie comptable.
  • Pour les experts-comptables : l’opportunité de passer à une compta temps réel, augmentée par la banque, à condition de choisir clairement leur camp technologique.
  • Pour la concurrence : le signal que la bataille européenne se jouera sur l’intégration verticale, et que les modèles BaaS devront prouver leur capacité à tenir face à un écosystème propriétaire puissant.

Le rachat de Shine/Ageras par Cegid fait plus que consolider le marché : il redéfinit, pour la prochaine décennie, qui contrôlera les flux financiers et l’infrastructure de gestion des entreprises en Europe.

SWOT — Cegid & Shine

Une lecture en un coup d’œil des forces, faiblesses, opportunités et menaces liées à l’intégration de Shine dans l’écosystème Cegid.

FORCES Ce que Cegid + Shine apportent de réellement différenciant
  • Une plateforme cohérente “gestion + compta + banque”. Une continuité fonctionnelle rare qui fluidifie le quotidien des TPE/PME.
  • Complémentarité des ADN. La robustesse d’un éditeur historique couplée à l’agilité de Shine.
  • Accès direct à une clientèle jeune et digitalisée. Shine ouvre un segment que Cegid atteignait peu jusqu’ici.
  • Crédibilité renforcée face aux acteurs comptatech. Une réponse structurée aux plateformes “compta + finance”.
FAIBLESSES Ce qui peut freiner la montée en puissance du duo
  • Un chantier d’intégration très exigeant. Aligner données, UX, conformité et infrastructure est un défi sensible.
  • Deux cultures à harmoniser. La vitesse d’une fintech n’est pas celle d’un grand éditeur historique.
  • Un positionnement encore à clarifier. Attention à la lisibilité entre offres Cegid et offres Shine.
  • Expérience utilisateur encore hétérogène. Le “tout-en-un” devra être perçu comme réellement fluide.
OPPORTUNITÉS Ce que cette alliance permet désormais d’envisager
  • Devenir une référence “business operating system”. Compta, gestion, paiements et pilotage rassemblés dans un même hub.
  • Automatiser massivement la chaîne comptable. Des flux bancaires transformés en écritures exploitables quasi instantanément.
  • Attirer créateurs, indépendants et TPE. Un public très courtisé par les solutions fintech.
  • Créer de nouveaux services pour les cabinets. Plus de pilotage, plus de data, plus de conseil à valeur ajoutée.
MENACES Les risques externes qui pèsent sur la trajectoire
  • Fintechs très agressives sur le marché. Pennylane, Qonto, Tiime, Dougs, MyUnisoft… innovent vite.
  • Potentiel échec d’intégration. Un blocage technique ou réglementaire peut ralentir tout le projet.
  • Cabinets prudents face à l’hyper-intégration. Certains redoutent une dépendance trop forte à une seule plateforme.
  • Cadre réglementaire très exigeant. L’activité bancaire impose une rigueur permanente.

Comment Shine repositionne Cegid face aux 6 concurrents clés

L’intégration de Shine transforme profondément le positionnement de Cegid : ajout d’une brique bancaire, renforcement de l’automatisation, accès à une cible TPE plus jeune, amélioration de l’expérience utilisateur et montée en gamme sur la donnée financière en temps réel.

Sage
  • Avant Shine : duel classique entre deux éditeurs historiques sur PME/ETI.
  • Avec Shine : Cegid ajoute une dimension bancaire qui manque totalement à Sage.
  • Effet stratégique : avantage clair sur les TPE modernisées et les entreprises “full digital”.
  • Où Shine fait la différence : rapprochements bancaires enrichis, flux financiers en temps réel.
MyUnisoft
  • Avant Shine : MyUnisoft était perçu comme plus moderne et plus agile.
  • Avec Shine : Cegid gagne en attractivité auprès des cabinets “nouvelle génération”.
  • Effet stratégique : renforcement de la chaîne data bancaire → automatisation comptable.
  • Où Shine fait la différence : expérience bancaire + gestion unifiée que MyUnisoft ne propose pas.
Pennylane
  • Avant Shine : Pennylane dominait sur le terrain « banque → compta automatisée ».
  • Avec Shine : Cegid devient enfin capable de jouer la carte « compta + banque ».
  • Effet stratégique : réduction de l’écart technologique sur les écritures automatisées.
  • Où Shine fait la différence : brique bancaire propriétaire vs intégrations externes chez Pennylane.
Qonto
  • Avant Shine : Qonto attirait massivement les TPE grâce à l’expérience bancaire.
  • Avec Shine : Cegid réduit fortement l’écart d’UX bancaire.
  • Effet stratégique : Cegid peut devenir une alternative bancaire + comptable intégrée.
  • Où Shine fait la différence : Shine apporte un ADN fintech et une maîtrise de la conformité ACPR.
Tiime
  • Avant Shine : Tiime dominait la simplicité TPE (facturation + banque + précompta).
  • Avec Shine : Cegid peut enfin combiner gestion + banque + compta pour les petites structures.
  • Effet stratégique : Cegid revient dans le jeu sur les indépendants & micro-entreprises.
  • Où Shine fait la différence : fluidité des paiements, onboarding bancaire simplifié.
Dougs
  • Avant Shine : Dougs était très agressif sur les créateurs et TPE.
  • Avec Shine : Cegid peut proposer un package “gestion + compta + banque” plus complet.
  • Effet stratégique : Cegid devient compétitif sur un segment qu’il maîtrisait peu.
  • Où Shine fait la différence : valeur perçue plus forte grâce à une brique bancaire native.

FAQ : Questions fréquentes sur le rachat Cegid – Shine (ex-Ageras)

Pourquoi Cegid rachète-t-il Shine/Ageras pour plus d’un milliard d’euros ?
Pour intégrer une brique bancaire régulée à son logiciel de gestion, accélérer sa stratégie paneuropéenne et se positionner comme copilote financier de référence des PME et des experts-comptables.

Qu’est-ce que cela change pour les TPE/PME ?
Elles accèdent à une plateforme unique regroupant compte pro, facturation électronique, comptabilité, paie, TVA et reporting, avec moins de paperasse et plus de pilotage en temps réel.

En quoi le modèle de Cegid diffère-t-il d’un modèle BaaS comme Swan ?
Cegid internalise licence et conformité, contrôle ses données et ses marges, tandis que les éditeurs s’appuyant sur Swan externalisent la régulation et partagent les revenus avec leur fournisseur BaaS.

Quels sont les principaux risques pour Cegid ?
Complexité d’intégration, montée en charge réglementaire (ACPR, AML, KYC, DORA), risque de cannibalisation de l’offre existante et pari sur la capacité à rentabiliser un rachat à plus d’un milliard d’euros.

Les experts-comptables sont-ils gagnants ou menacés ?
Ils sont gagnants s’ils utilisent la plateforme pour renforcer leur rôle de conseil à forte valeur ajoutée ; ils peuvent être menacés s’ils laissent les plateformes capter la relation client sans repositionner leur offre.

Cette opération signe-t-elle la fin de la double saisie comptable ?
C’est l’objectif affiché : automatiser au maximum la saisie et le rapprochement grâce à l’IA et aux flux bancaires intégrés. Dans les cas complexes, l’intervention humaine restera toutefois indispensable.