Dans le contexte actuel, où les entreprises ont des difficultés de trésorerie, adoptent une gestion prudente et subissent les contraintes des marchés, le chef d’entreprise doit savoir négocier une relation réussie avec son banquier, ce qui suppose de bien le connaître et de savoir apprécier les particularités de son métier.
C’est le message qu’ont délivré Olivier de Portzamparc de la Banque Tarneaud, Pascal Ferron et Michel Gire, vice-présidents de Baker Tilly France, lors d’une conférence organisée en octobre 2012 par Baker Tilly France.
Qu’est-ce qu’une banque ?
L’idée que l’on se fait de l’établissement bancaire est souvent fausse
Une banque est une entreprise qui gère les dépôts et collecte l’épargne des clients, accorde des prêts et offre des services financiers.
A contrario, l’idée reçue, selon laquelle une banque est un investisseur ou un associé ou encore un partenaire, est une erreur.
C’est donc une entreprise commerciale, qui exerce principalement trois métiers :
- la banque de détail,
- la banque privée et
- la banque de financement et d’investissement.
Elle finance les investissements et le cycle d’exploitation ou les décalages de trésorerie. En revanche, une banque ne finance ni le risque, ni l’apport en fonds propres, ni le besoin de fonds de roulement.
Le rôle de la banque est de prêter de l’argent, de rentrer dans ses fonds, de fournir des services complémentaires au crédit et donc d’être un véritable « fournisseur » de l’entreprise.
Ce n’est pas aux banques de supporter le risque pris par l’entrepreneur avec des fonds qui ne lui appartiennent pas, ni de s’immiscer dans la gestion de l’entreprise. En cas de bénéfice, la banque ne touche aucun dividende, contrairement au chef d’entreprise. En conséquence, en cas de pertes, elle ne veut pas devoir les assumer à la place de l’entrepreneur.
Que rapportez-vous à votre banquier ?
Le Produit Net Bancaire (PNB) est en quelque sorte le chiffre d’affaires de la banque, ce que les clients lui rapportent.
Il est la somme de :
- la marge issue des capitaux collectés
- + la marge sur les crédits distribués
- + les gains sur les dates de valeur
- + les revenus issus des services et prestations de la banque
- = PNB
A noter que la source principale de revenus de la banque n’est plus les intérêts des prêts, mais les commissions sur les mouvements et services.
Compte tenu de ces éléments, et dans l’optique d’un entretien avec son banquier, il faut que la banque puisse estimer la solvabilité de l’entreprise ou, à l’inverse, le risque qu’elle représente.
La rentabilité de la relation avec le banquier peut devenir un outil de négociation selon que l’entreprise utilise peu ou pas les services de l’établissement bancaire, ou selon qu’elle a des avoirs importants et peu d’encours de crédit.
Comment la banque vous apprécie-t-elle ?
Deux points importants :
- les critères de notations actuels (l’analyse du dernier bilan et le fonctionnement du compte),
- les contraintes Bâle II et Bâle III.
Les critères de notations actuels
La côte FIBEN de la société a pour objectif de situer l’entreprise en fonction de son niveau d’activité et de sa situation financière. Cette notation est couverte par le secret professionnel ; toutefois la Banque de France a l’obligation de la communiquer, sur demande, aux entreprises. Le dirigeant pourra ainsi mettre en place une réflexion afin d’améliorer sa notation bancaire.
Il y deux niveaux de notation FIBEN : l’une sur l’entreprise et l’autre sur les dirigeants. Si ces notations sont mauvaises, ce peut être un vrai frein à l’accès au crédit. A l’inverse, une bonne notation ne constitue pas une garantie puisque la Banque de France donne une note sur le passé, alors que la banque auprès de laquelle vous sollicitez un crédit évaluera, quant à elle, les potentiels futurs de votre entreprise.
- la côte 000 signifie que la Banque de France n’a aucune information défavorable sur le dirigeant,
- la côte 040 signifie que les informations recueillies n’appellent pas de réserve mais une attention toute particulière,
- la côte 050 que ces informations appellent des réserves et
- la côte 060 que les réserves sont sérieuses et graves.
Les contraintes Bâle II et Bâle III
La réforme Bâle III impose de nouvelles contraintes aux banques, qui encadre de manière plus restrictive les risques qu’elles prennent. Bâle III les contraint à avoir un ratio « fonds propres « durs »/Encours de crédits accordés » en augmentation par rapport à Bâle II.
Les banques ont donc l’obligation légale soit d’augmenter leurs fonds propres, soit de baisser les crédits…
La crise actuelle conduit les banques à être de plus en plus prudentes lors des attributions de crédits. En conséquence, le risque est réel de se retrouver dans un cercle vicieux : cessation de paiements pour les entreprises, hausses des provisions pour les banques, baisse de leurs capitaux propres, baisse de leur capacité à prêter aux entreprises , cessation de paiements pour les entreprises.
Ce choc est néanmoins absorbé progressivement par les entreprises et les banques (quasi absence de dividendes depuis 2008), mais il est malheureusement amplifié par les difficultés européennes sur les dettes souveraines.
Néanmoins le critère principal dans l’appréciation d’une entreprise cliente par sa banque reste la cohérence de sa stratégie et sa capacité à générer le cash flow nécessaire pour faire face à ses engagements actuels ou à venir vis-à-vis de tous les tiers (y compris les banques).
Les conditions d’une relation réussie
Certes, la notation de l’entreprise est très importante pour le banquier. Mais la confiance dans le dirigeant reste primordiale, et c’est au dirigeant de construire cette relation de confiance.
Comment ?
Le plus important : anticiper.
Cela signifie qu’il faut informer son banquier le plus souvent possible. En venant lui commenter ses comptes annuels, certes, mais également tout au long de l’année, en lui transmettant les informations avant qu’il ne les demande.
Par exemple, le prévenir d’un incident de trésorerie potentiel. En effet, son jugement est influencé par la qualité de la gestion de votre entreprise. Donc, que vous sachiez que vous allez avoir un incident de trésorerie et l’en préveniez va le rassurer sur vos capacités de gestionnaire.
Par ailleurs éviter toute anomalie de fonctionnement du compte évitera d’attirer l’attention du banquier. Dans tous les cas de figure, il est donc indispensable d‘avoir de bons outils de suivi de gestion.
Une autre nécessité : être crédible, notamment tenir les engagements pris.
Cela signifie qu’il vaut mieux être un peu pessimiste et tenir vos engagements plutôt qu’un peu trop optimiste et ne pas les tenir.
Enfin, un impératif : anticiper un besoin de financement, c’est augmenter sa chance de l’obtenir.
Anticiper, cela signifie : lever des fonds quand l’entreprise n’en a pas encore besoin ou solliciter le banquier quand l’entreprise se porte bien. Pour cela, il faut être acteur de sa gestion et pilote de son entreprise.
Savoir négocier
La négociation, c’est d’abord la recherche d’un accord centré sur des intérêts matériels, entre deux interlocuteurs, dans un temps limité. C’est un jeu de concessions mutuelles. Par exemple, il faut négocier les jours de valeur, le court terme, des demandes de prêt, mais toujours en cohérence avec la situation de l’entreprise.
Avant l’entretien avec le banquier, le chef d’entreprise doit évaluer sa marge de manœuvre et lister les points à négocier avec une argumentation forte et, pourquoi pas, présenter à son banquier les offres de ses concurrents qu’il aura préalablement sollicités.
Durant l’entretien, il ne faut pas céder trop vite, pour que l’effort, qui sera finalement fait, semble bien réel. De plus, chaque concession doit être accompagnée d’une contrepartie de la part du banquier. Il faut avoir préparé ces concessions à l’avance, mais ne pas les livrer trop tôt durant l’entretien !
Attention tout de même à ne pas négocier à outrance, le banquier, qui, rappelons-le, est aussi une entreprise, doit gagner sa vie.
Dans tous les cas, il vaut mieux négocier en période faste, puisque votre marge de manœuvre dépend de la santé financière de votre entreprise.
Pour garder un pouvoir de négociation, il faut se rendre régulièrement chez son banquier, à bon escient et avant qu’il ne soit trop tard. Le chef d’entreprise devient alors acteur de sa gestion et gagne le respect de son conseiller.
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