Dans un premier temps, précisons que le terme « enchères » est employé ici dans son sens le plus fréquent c’est-à-dire entendu comme l’offre d’un prix supérieur, et non dans une vision strictement juridique.

Les sites ou plateformes de vente aux « enchères » en ligne, dont eBay est une des premières références, font l’objet de discussions concernant le régime juridique qui leur est applicable et l’étendue de leur responsabilité.

Les régimes de responsabilité peuvent en effet se révéler très différents dans chaque pays. Ainsi alors qu’aux États-Unis, la plateforme de vente en ligne eBay n’a pas été tenue responsable des actes de contrefaçon commis par ses utilisateurs, en France, elle a, à plusieurs reprises, été condamnée à des dommages-intérêts extrêmement importants.

Quel est le régime juridique de eBay ?

Exclusion du régime prévu par le code de commerce

Le courtage aux enchères en ligne ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique.

En effet, la loi du 10 juillet 2000 relative aux ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne peut s’appliquer à ce type de vente puisqu’elle exclut expressément de son champ d’application « les opérations de courtage aux enchères réalisées à distance par voie électronique, se caractérisant par l’absence d’adjudication et d’intervention d’un tiers dans la conclusion de la vente d’un bien entre les parties » (article L321-2 du Code de commerce).

Exclusion de la qualité d’éditeur de contenus

D’un point de vue économique, l’application d’une responsabilité  de plein droit prévue à l’article 15 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, irait à l’encontre du modèle économique instauré par eBay et a ainsi écarté eBay de cette responsabilité d’éditeur de contenus.

Le TGI de Troyes a compris le risque en considérant que le régime juridique qui doit être applicable à eBay « ne recoupe pas celui des éditeurs de contenus qui restent soumis à une responsabilité de plein droit » (TGI Troyes du 04/06/2008, Hermès/eBay).

eBay peut-il être considéré comme un fournisseur d’hébergement ?

En stockant les annonces de ses utilisateurs, eBay semble pouvoir bénéficier du statut dérogatoire applicable aux fournisseurs d’hébergement.

eBay « n’a pas la possibilité d’exercer un contrôle à priori sur la véracité ou le caractère exact des annonces mises en ligne mais il n’est pas dispensé de veiller dans la mesure de ses moyens à ce que son site ne soit pas utilisé à des fins répréhensibles ».

De manière plus récente, il a été considéré qu’eBay n’est pas responsable de l’escroquerie dont a été victime un couple qui n’ a jamais été livré d’une voiture intégralement payée, achetée sur eBay suite à une annonce sans enchères.

Dans une récente décision, le TGI de Vienne a rappelé qu’eBay agit en tant qu’hébergeur, dans la mesure où il n’intervient pas dans les transactions réalisées sur son site. Dans ces circonstances, il n’est pas possible de lui opposer la responsabilité de plein droit du commerçant en ligne.

Peut-on considérer eBay comme un courtier ?

Dans différents jugements rendus le 30 juin 2008, le Tribunal de commerce de Paris a jugé, qu’outre une prestation de stockage des annonces de ses utilisateurs, eBay exerçait une activité de courtage en favorisant des transactions et en percevant des commissions sur chaque vente.

Les activités de stockage et de courtage étant indissociables, le tribunal a retenu que les sociétés d’eBay avaient qualité de courtier et a condamné eBay à verser près de 40 millions d’euros aux sociétés composant le groupe LVMH pour ne pas avoir empêché le commercialisation de produits de contrefaçon (faute au sens des articles 1382 et 1383 du code civil) sur son site et pour atteinte à un réseau de distribution sélective.

Dans ces affaires, eBay n’a pas été condamné pour contrefaçon mais pour faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil (responsabilité de droit commun) et pour atteinte aux réseaux de distribution sélective.

Le Tribunal de Grande Instance de Troyes avait précédemment qualifié eBay de courtier mais l’avait condamné pour contrefaçon en application de l’article L713-2 du Code de la propriété intellectuelle. Le jugement a été confirmé par la Cour d’appel de Reims, dans un arrêt rendu le 20 juillet 2010.

Plus récemment, le Tribunal de Grande Instance de Paris a estimé qu’eBay devait être considéré comme hébergeur, mais uniquement pour son activité de stockage et de mise en ligne d’annonce que son site eBay.fr.

Cependant, il a rejeté ce statut s’agissant de la vente d’espaces renvoyant à des annonces et la mise en place de moyens de promotion et de commercialisation de produits contrefaisants : « ces activité, étant de nature différente et n’étant pas indispensables à l’activité d’hébergement, relèvent du régime de responsabilité de droit commun, le régime aménagé d’hébergeur ne pouvant s’apprécier que restrictivement ».

Plus récemment encore, la Cour d’appel de Paris a refusé d’octroyer à eBay le statut d’hébergeur, considérant la plateforme comme un service de courtage (CA Paris en date du 03/09/2012, Affaire eBay / Christian Dior Couture).