Les nouveautés législatives en matière d’égalité hommes femmes se révèlent de plus en plus contraignantes.
Pour Florence Descours-Chapet et Emmanuel Labrousse, directeurs du département « Social – Ressources humaines » du réseau Baker Tilly France, les entreprises concernées, c’est-à-dire celles de plus de cinquante salariés, peuvent les considérer comme une opportunité.
Des chiffres encore étonnants
Deux études récentes de l’APEC et du ministère du Travail (mars 2012) fournissent en effet des chiffres révélateurs.
En France, le taux de fécondité est le plus élevé d’Europe, et pourtant 80% des femmes de 25 à 49 ans sont en activité.
Paradoxalement, l’écart de salaire entre un homme et une femme à poste égal en 2012 est encore de 16%, sauf dans certains secteurs comme les services ou la fonction publique. Les femmes représentent 51% de la population active mais un tiers d’entre elles sont à temps partiel et seulement 36% des créateurs d’entreprise sont des femmes.
Ce sont pour ces raisons que le législateur a légiféré au cours des six dernières années.
Des obligations et des contraintes
C’est dans le cadre de la loi sur la réforme des retraites que de nouvelles contraintes en matière d’égalité hommes femmes ont été créées.
L’obligation n’est pas nouvelle, la loi précédente qui date de mars 2006 sur les inégalités salariales ne donnait cependant qu’une obligation de négocier mais pas d’obligation de résultats.
Elle a donc été renforcée par celle de novembre 2010 qui a pris effet en janvier 2012 et qui a pour objectif le rapprochement du niveau des retraites entre hommes et femmes.
La nouvelle ministre des droits de la femme, Najat Vallaud Belkacem, annonçait en juin 2012 qu’elle comptait s’appuyer sur la loi existante afin de la rendre plus efficace, plutôt que d’en faire voter une nouvelle, laissant présager un nouveau renforcement des contraintes.
Que dit la loi ?
Si l’entreprise est soumise à une NAO (négociation annuelle obligatoire), c’est-à-dire s’il existe au moins une section syndicale affiliée à une organisation syndicale représentative au niveau de l’entreprise, alors l’employeur a toujours l’obligation d’engager, tous les douze mois, une négociation sur une liste de thèmes fixés par la loi, dont celui de l’égalité hommes femmes.
En outre, les entreprises de plus de cinquante salariés doivent, soit se doter d’un plan d’actions, soit négocier un accord (dans le cas où il y a un délégué syndical) sur la thématique de l’égalité hommes femmes, cette dernière solution étant fortement conseillée.
Les obligations légales varient selon qu’il y a plus ou moins de trois cents salariés dans l’entreprise.
Que ce soit un accord ou un plan d’actions, il doit comporter des critères clairs, précis et opérationnels :
- Bilan des actions de l’année écoulée,
- Objectifs de progression pour l’année à venir,
- Définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre,
- Évaluation de leurs coûts.
Les objectifs de progression et les actions avec des indicateurs chiffrés doivent ensuite être fixés parmi les domaines suivants :
- embauche,
- formation,
- promotion professionnelle,
- qualification,
- classification,
- conditions de travail,
- rémunération effective,
- articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.
Il est à noter que les plans d’actions des entreprises de moins de trois cents salariés doivent comporter au moins deux des domaines cités ci-dessus, ceux des entreprises de plus de trois cents salariés doivent en comporter au moins trois.
Le décret du 7 juillet 2011 fixe le contenu de la synthèse du plan d’actions qui doit comprendre des indicateurs, si possible chiffrés, portant sur la situation respective des femmes et des hommes par rapport :
- au salaire médian ou au salaire moyen,
- à la durée moyenne entre deux promotions,
- et à l’exercice des fonctions d’encadrement et décisionnelles.
Il est indispensable de communiquer cette synthèse aux salariés.
Si l’entreprise n’est pas couverte par un accord, l’inspecteur du travail la met en demeure, par courrier en recommandé avec accusé de réception, de remédier à cette situation, dans un délai de six mois.
Faute de mise en conformité dans le délai de six mois, la pénalité fixée par l’inspecteur du travail pourra atteindre au maximum 1% de la masse salariale.
Un dialogue pourra néanmoins s’instaurer et une minoration s’ensuivre si la DIRECCTE (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) constate que la défaillance de l’entreprise résulte en toute bonne foi de difficultés économiques, de procédures collectives ou encore d’une restructuration.
Des pistes d’opportunités
En 2009, Brice Hortefeux, alors ministre du Travail, avait commandé à Madame Grésy un rapport sur l’égalité entre les hommes et les femmes.
La conclusion majeure est qu’il y a eu une formidable avancée dans ce domaine depuis quarante ans mais que des écarts importants persistent.
Ce rapport donne des pistes d’opportunités, comme par exemple, prendre en compte les changements de mentalité, identifier les disparités existantes et mobiliser l’encadrement.
On constate que pour 75% des entreprises, atteindre la parité est une priorité en matière de ressources humaines, les raisons avancées étant en général :
- bénéfice économique,
- facteur de développement et de créativité,
- renouvellement des sources de recrutement,
- dialogue social dans l’entreprise.
Égalité homme/femmes : une mise en place plus simple qu’il n’y parait
Il est important de souligner que l’entreprise doit commencer par exploiter l’existant, s’interroger sur l’efficacité de la mise en place des dispositions du plan d’actions, et les améliorer. Anticiper les contraintes permettra d’anticiper les coûts.
L’entreprise peut aussi mettre en place des mesures à double entrée, par exemple concernant la formation et l’articulation vie privée/vie professionnelle ; la double entrée consistant, pour favoriser la vie de famille des salariés, à organiser les formations soit sur le site de l’entreprise, soit en e-learning pour éviter les transports.
Retenons que l’amélioration de l’existant est souvent suffisante pour pouvoir avancer en matière d’égalité hommes femmes au sein de l’entreprise.
S’en inspirer peut permettre d’élaborer des mesures, mais en n’omettant pas de mettre en place des indicateurs chiffrés qui semblent être, avec la négociation et la communication, la clé de la réussite dans ce domaine.
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