Depuis le 1er janvier 2025, la France expérimente une réforme judiciaire majeure avec la création des tribunaux des activités économiques (TAE). Ces tribunaux remplacent temporairement les tribunaux de commerce dans 12 villes pilotes, avec pour objectif de centraliser et simplifier le traitement des procédures collectives et amiables concernant les entreprises en difficulté, tous statuts et secteurs confondus, à l’exception des professions réglementées du droit. Cette réforme vise à moderniser la justice économique, réduire les délais, améliorer la prévisibilité juridique, et ainsi mieux accompagner les entreprises en crise tout en rassurant les créanciers et investisseurs.
Introduction aux tribunaux des activités économiques
Les TAE sont une innovation institutionnelle inscrite dans la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023, entrée en vigueur de manière expérimentale pour une période de quatre ans (2025-2028). Douze tribunaux de commerce sont renommés tribunaux des activités économiques : Avignon, Auxerre, Le Havre, Le Mans, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Nanterre, Paris, Saint-Brieuc, et Versailles.
Ces tribunaux sont composés de juges consulaires issus des tribunaux de commerce, de juges exploitants agricoles, nommés par le ministère de la Justice, et de greffiers spécialisés, ce qui permet d’offrir une expertise diversifiée couvrant les différentes réalités économiques régionales.
Raisons et objectifs de la réforme
La réforme répond à plusieurs enjeux majeurs :
- Modernisation de la justice économique : en regroupant en un seul tribunal la compétence sur toutes les procédures relatives aux entreprises en difficulté, quelle que soit leur nature ou leur statut, la justice économique devient plus lisible et accessible.
- Simplification et accélération des procédures : la dispersion des compétences entre tribunaux judiciaires et tribunaux de commerce générait complexité et délais. Le TAE vise à réduire ces délais et à diminuer les incertitudes liées à la compétence juridictionnelle.
- Attractivité pour les investisseurs étrangers : une justice économique unifiée et spécialisée améliore la confiance des investisseurs en matière de sécurité juridique et de protection des créanciers.
- Protection des intérêts économiques et sociaux : en facilitant la restructuration des entreprises viables et en organisant la liquidation ordonnée des entreprises insolvables, les tribunaux participent à la stabilité économique locale et nationale.
Compétences des tribunaux des activités économiques
Les TAE concentrent désormais la compétence sur toutes les procédures relatives aux entreprises en difficulté, à savoir :
- Procédures d’alerte et de prévention,
- Procédures amiables, notamment la conciliation,
- Procédures collectives : sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire,
- Contentieux relatifs aux baux commerciaux connexes aux procédures collectives,
- Litiges liés aux procédures commerciales spéciales, en lien avec l’activité économique des entreprises.
Seules les professions réglementées du droit (avocats, notaires, huissiers, etc.) conservent la compétence du tribunal judiciaire pour leurs litiges spécifiques.

Les défis restants dans la réforme des tribunaux des activités économiques
Avec l’introduction des tribunaux des activités économiques (TAE), certains problèmes intrinsèques au système judiciaire en matière commerciale n’ont pas encore trouvé de solution définitive. Les entreprises ont besoin d’une plus grande flexibilité et d’un soutien continu pendant les périodes de transition, éléments qui ne sont pas complètement abordés par la réforme actuelle.
Ajustement des compétences et qualifications
Si la centralisation vise à unifier la compétence, l’application des décisions reste une question d’expertise variée au sein des TAE. La diversité des juges, bien que bénéfique en termes d’expérience, peut parfois entraîner un manque d’homogénéité dans les jugements rendus. Pour pallier cela, il est crucial de renforcer la formation et la supervision des acteurs judiciaires pour garantir une meilleure cohérence décisionnelle.
Transparence et accès à l’information
Une autre lacune réside dans la transparence des procédures pour les entreprises et les créanciers. Actuellement, la complexité des procédures reste un défi pour l’accès à l’information, et une amélioration de la digitalisation des processus judiciaires, avec la mise en place de plateformes plus accessibles et intuitives, est nécessaire.
L’importance de traiter ces problématiques
Ne pas aborder ces questions pourrait représenter un obstacle majeur à l’efficacité des TAE. En garantissant des décisions claires et informées, ces tribunaux peuvent vraiment offrir une justice équitable qui inspire confiance. Par ailleurs, améliorer la transparence contribue à rétablir la crédibilité du système judiciaire, élément essentiel pour attirer les investissements.
Exemples pratiques d’amélioration potentielle
En examinant des systèmes étrangers tels que le modèle « Chapter 11 » des États-Unis, qui mise sur la transparence et les solutions innovantes pour la restructuration, on voit des domaines où la France pourrait s’inspirer pour perfectionner sa propre approche.
Bénéfices attendus de la réforme des TAE
La réforme promet de nombreux avantages, à condition qu’elle soit bien mise en œuvre et qu’elle s’appuie sur les leçons tirées d’autres systèmes. Voici quelques bénéfices escomptés :
- Harmonisation législative : Une application plus homogène des lois à travers les différents territoires.
- Réduction des délais : Des procédures plus rapides et efficientes, réduisant les pertes financières.
- Sécurité accrue pour les créanciers : Un environnement juridique prévisible attirant davantage d’investissements.
Comparaison des systèmes judiciaires
Aspect | Tribunaux des activités économiques | Système américain (Chapter 11) |
---|---|---|
Centralisation | Oui | Non, partagé |
Force exécutoire | Haute | Modérée |
Transparence | En développement | Elevée |
Un avenir prometteur pour la justice économique
La mise en œuvre complète des TAE pourrait bien transformer la façon dont les entreprises naviguent dans des périodes de difficulté. En centralisant les processus et en accroissant la spécialisation, cette réforme pose les jalons d’un système judiciaire plus efficace.
Si la période de test s’avère concluante, elle pourrait servir de catalyseur à une réforme plus vaste du cadre législatif français. En attendant l’évaluation de cette expérimentation en 2028, chacun a les yeux rivés sur le succès de cette transformation judiciaire audacieuse.
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