Ce que change le nouveau décret
L’absentéisme au travail est un sujet de préoccupation majeur pour les entreprises françaises. Dans ce contexte, le gouvernement vient de publier un décret qui clarifie et renforce les règles encadrant les contre-visites médicales lors des arrêts maladie. Décryptage de ces nouvelles dispositions qui impactent tant les salariés que les employeurs.
Un cadre juridique renforcé
Le décret n°2024-692 du 5 juillet 2024 vient d’apporter des précisions importantes sur les modalités et conditions de la contre-visite médicale en cas d’arrêt de travail. Ce texte, qui s’inscrit dans une volonté de lutter contre l’absentéisme abusif, intègre dans le Code du travail des règles qui étaient jusqu’alors principalement issues de la jurisprudence. « Ce décret apporte une sécurité juridique bienvenue pour les employeurs, tout en clarifiant les droits et devoirs des salariés », commente Maître Sophie Durand, avocate spécialisée en droit du travail.
Le principe de la contre-visite médicale
Rappelons que la contre-visite médicale est un droit dont dispose l’employeur pour vérifier le bien-fondé d’un arrêt maladie. Cette possibilité existe en contrepartie du versement d’indemnités complémentaires aux indemnités journalières de la Sécurité sociale.
Concrètement, l’employeur peut mandater un médecin pour effectuer un contrôle au domicile du salarié en arrêt maladie, ou le convoquer à une visite médicale.
Nouvelles obligations pour le salarié
Le décret introduit de nouvelles obligations pour le salarié en arrêt maladie. Désormais, celui-ci doit informer son employeur dès le début de l’arrêt :
- Du lieu où il se repose, si celui-ci est différent de son domicile habituel
- Des horaires auxquels il peut être disponible pour une contre-visite, dans le cas où son arrêt de travail mentionne « sortie libre »
Ces nouvelles dispositions visent à faciliter l’organisation des contre-visites et à réduire les situations où le médecin contrôleur ne peut pas rencontrer le salarié.
Modalités de la contre-visite médicale
Le décret précise également les modalités de la contre-visite :
- Elle peut être effectuée au domicile ou au lieu de repos du salarié, sans préavis
- Elle peut avoir lieu au cabinet du médecin, sur convocation du salarié
- Elle doit se dérouler en dehors des heures de sortie autorisées mentionnées sur l’arrêt de travail
Il est important de noter que l’employeur doit choisir un médecin qui n’appartient ni à la médecine du travail de l’entreprise, ni à la médecine-conseil de la Sécurité sociale, afin de garantir l’impartialité du contrôle.
Résultats et conséquences de la contre-visite médicale
À l’issue de la contre-visite, trois situations peuvent se présenter :
- L’arrêt de travail est jugé justifié
- L’arrêt de travail est jugé injustifié
- La contre-visite n’a pas pu être effectuée pour un motif imputable au salarié
Dans les deux derniers cas, l’employeur peut suspendre le versement des indemnités complémentaires. Cependant, il est crucial de souligner qu’aucune sanction disciplinaire ou licenciement ne peut être fondé sur ce motif.
La suspension des indemnités complémentaires est la seule conséquence directe possible pour l’employeur. Toute autre mesure basée uniquement sur le résultat de la contre-visite serait considérée comme abusive.
Obligations de l’employeur
Le décret impose également de nouvelles obligations à l’employeur. Celui-ci doit notamment transmettre sans délai au salarié l’information reçue du médecin après la contre-visite. Cette disposition vise à garantir la transparence de la procédure et à permettre au salarié de contester éventuellement les conclusions du médecin contrôleur.
Un contexte de renforcement du contrôle des arrêts maladie
Ce décret s’inscrit dans une tendance plus large de renforcement du contrôle des arrêts maladie. On peut notamment citer la récente limitation à 3 jours des arrêts prescrits en téléconsultation, une mesure qui vise à lutter contre les abus potentiels liés à cette pratique en plein essor.
« Ces différentes mesures témoignent d’une volonté politique de mieux encadrer les arrêts maladie, tout en préservant les droits légitimes des salariés », analyse Maître Durand.
Implications pratiques pour les entreprises et les salariés
Pour les entreprises, ces nouvelles dispositions impliquent une mise à jour des procédures internes de gestion des arrêts maladie. Il sera notamment nécessaire de :
- Former les équipes RH aux nouvelles règles
- Mettre en place un système de suivi des informations transmises par les salariés en arrêt
- Établir une liste de médecins contrôleurs répondant aux critères du décret
Pour les salariés, il est crucial de bien connaître ces nouvelles obligations, en particulier :
- L’importance d’informer rapidement l’employeur du lieu de repos et des horaires de disponibilité
- Les conséquences possibles en cas d’impossibilité de réaliser la contre-visite
Ce nouveau décret apporte une clarification bienvenue des règles encadrant les contre-visites médicales en cas d’arrêt maladie. S’il renforce les possibilités de contrôle des employeurs, il garantit également une meilleure protection des droits des salariés en formalisant des pratiques jusqu’alors principalement jurisprudentielles.
Dans un contexte où l’absentéisme représente un coût important pour les entreprises et la collectivité, ces mesures visent à trouver un équilibre entre la nécessaire protection de la santé des travailleurs et la lutte contre les abus potentiels.
Il est recommandé aux employeurs comme aux salariés de bien s’informer sur ces nouvelles dispositions pour garantir une mise en œuvre sereine et efficace de ces contrôles.
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