Depuis 2017, la Déclaration Sociale Nominative (DSN) a profondément simplifié les démarches déclaratives des entreprises françaises, en centralisant en un flux mensuel la quasi-totalité des obligations sociales. Mais cette simplification repose sur une donnée clé : la fiabilité des informations transmises. Or, les organismes sociaux constatent encore chaque année des anomalies qui peuvent compromettre les droits des salariés, en particulier en matière de retraite.
C’est dans ce contexte qu’a été créé le mécanisme de la DSN de substitution, prévu par le décret n° 2023‑1384 du 31 décembre 2023, et qui entrera en vigueur à partir de 2026. Pour la première fois, l’Urssaf et la MSA pourront corriger directement certaines anomalies déclaratives à la place des employeurs, si ceux-ci n’y ont pas remédié dans les délais impartis.
Derrière cette évolution technique se cache une véritable révolution culturelle dans la gestion des déclarations sociales. Les entreprises ne pourront plus se permettre de laisser traîner une erreur. Elles devront mettre en place une gouvernance déclarative robuste pour éviter de voir l’Urssaf agir en leur nom.
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La DSN de substitution : de quoi parle-t-on exactement ?
La DSN de substitution est une déclaration produite par l’Urssaf ou la MSA lorsque l’employeur, après avoir été informé d’anomalies via les Compte Rendu Mensuels (CRM) puis un CRM de rappel, ne procède ni à la correction ni à la contestation.
Cette déclaration vient remplacer, pour les éléments concernés, la DSN initiale transmise par l’employeur. L’objectif n’est pas de sanctionner mais de sécuriser les droits sociaux des salariés, en particulier leurs droits à la retraite, qui dépendent directement des données transmises en DSN : rémunérations, trimestres validés, indemnités journalières, etc.
La logique est claire :
- si l’employeur corrige ses anomalies, la substitution n’intervient pas ;
- s’il ne réagit pas dans le délai prévu, la correction est imposée automatiquement.
Ce dispositif marque un tournant : l’Urssaf passe d’un rôle de contrôle a posteriori à un rôle d’acteur direct des données déclaratives.
Un calendrier de déploiement précis et progressif
Pour ne pas brusquer les entreprises, le déploiement se fait par étapes :
- 2024 et 2025 : mise en place des CRM mensuels. Chaque mois, les employeurs reçoivent des retours détaillant les anomalies détectées. Ces retours concernent autant les erreurs bloquantes (qui empêchent la validation d’un droit) que les non-bloquantes mais significatives.
- Mars 2025 : premier envoi de CRM de rappel. Il s’agit d’un bilan consolidé des anomalies non corrigées au cours de 2024. Attention : en 2025, il n’y a pas encore de substitution. Cette étape sert de phase test pour habituer les entreprises à la nouvelle logique.
- Mars 2026 : envoi des CRM de rappel au titre des anomalies non corrigées en 2025. Cette fois, l’entreprise a deux mois pour agir (deux échéances DSN).
- Mai–juin 2026 : en l’absence de correction ou de contestation, les premières DSN de substitution sont générées par l’Urssaf ou la MSA.
Il faut noter que dès 2025, une DSN de substitution pourra être produite si un contrôle externe (contrôle Urssaf ou MSA, sur pièces ou sur place) révèle des anomalies significatives. Mais la substitution systématique via les CRM ne sera effective qu’en 2026.
Un schéma chronologique permettrait ici de bien visualiser ce processus, avec les jalons CRM mensuels → CRM de rappel → délai de correction → substitution.
Le fonctionnement détaillé du dispositif
Le mécanisme suit une logique stricte, pensée pour laisser à l’entreprise une chance réelle d’agir avant toute correction imposée.
- CRM mensuel
Chaque mois, l’entreprise reçoit un rapport détaillant les anomalies détectées. Exemple : un salarié déclaré avec un code catégorie socio-professionnelle incohérent. - CRM de rappel
En mars, un récapitulatif global liste les anomalies restées sans correction. Le document propose, pour chacune, une valeur de substitution que l’Urssaf appliquera en l’absence de réaction. - Délai de réaction
L’employeur a deux échéances DSN (soit environ deux mois) pour :
- corriger via une nouvelle DSN, ou
- contester en fournissant une explication motivée (principe du contradictoire).
- Substitution
Si aucune action n’est menée, l’Urssaf génère une DSN de substitution en mai ou juin, corrigeant les données et recalculant les droits sociaux correspondants. - CRM d’information
Une fois la substitution effectuée, l’employeur reçoit un CRM d’information détaillant les corrections appliquées.

Quels types d’anomalies sont concernés ?
La substitution ne s’applique pas à toutes les erreurs, mais seulement à celles qui ont un impact direct sur les droits sociaux des salariés.
Parmi les cas typiques :
- les rémunérations mal déclarées, qui faussent le calcul des cotisations et des droits retraite ;
- des indemnités journalières (IJSS) incorrectement renseignées ;
- des erreurs sur les codes statutaires qui conditionnent la validation des trimestres ;
- des anomalies de cumul de trimestres ou de périodes d’affiliation.
En revanche, des erreurs sans conséquence sur les droits sociaux (par exemple une information accessoire mal renseignée) n’entraîneront pas de substitution.
Impacts concrets pour les entreprises
Le dispositif aura des effets majeurs sur l’organisation des services RH et paie.
Les risques
Le premier risque est la perte de maîtrise des données déclarées. Une DSN de substitution peut corriger des éléments sensibles sans validation par l’employeur, avec un impact direct sur les cotisations dues.
Il y a également un risque de régularisation financière inattendue si des cotisations supplémentaires sont générées. Enfin, l’entreprise peut se retrouver en difficulté face à ses salariés, qui constateront des corrections sur leurs droits sans avoir été informés en amont.
Les bénéfices
Du côté positif, ce mécanisme garantit une meilleure sécurisation des droits retraite, évitant des litiges futurs entre salariés, entreprises et caisses. Il incite aussi les entreprises à renforcer leurs processus internes et à fiabiliser leurs chaînes de paie et de DSN.
Comment se préparer efficacement ?
Pour aborder sereinement la DSN de substitution, une véritable stratégie interne doit être mise en place.
D’abord, il convient d’instaurer une gouvernance DSN claire, avec un responsable désigné pour le suivi des CRM. Chaque retour mensuel doit être analysé, documenté et corrigé.
Ensuite, les entreprises doivent investir dans des outils de contrôle avancés : les logiciels de paie modernes (Cegid, Silae, Sage…) intègrent désormais des modules permettant de détecter en amont les anomalies susceptibles de déclencher une substitution.
La formation des équipes paie et RH est un autre levier essentiel. Comprendre la lecture d’un CRM, savoir identifier les anomalies prioritaires et maîtriser la procédure de contestation sont des compétences à acquérir dès 2025.
Il est aussi fortement recommandé d’élaborer un calendrier interne de suivi, calé sur les échéances DSN, pour s’assurer qu’aucune anomalie ne reste sans traitement.
Enfin, la communication avec les salariés doit être anticipée. Si une substitution intervient, il est crucial d’expliquer de manière transparente pourquoi certaines données ont été modifiées. Cela renforce la confiance et évite des incompréhensions.
Exemple concret : du CRM au correctif imposé
Prenons le cas d’une PME qui déclare chaque mois un salarié à 28 heures hebdomadaires, mais avec une rémunération correspondant à 35 heures.
- Le CRM mensuel signale une incohérence.
- En mars 2026, le CRM de rappel indique que l’anomalie persiste, et propose une correction : ajustement des heures travaillées et recalcul du salaire de référence.
- L’entreprise, faute d’organisation interne, ne réagit pas.
- En mai, l’Urssaf émet une DSN de substitution, recalculant les droits retraite du salarié et régularisant les cotisations dues.
- Le salarié voit ses trimestres validés corrigés, mais l’entreprise reçoit un appel de cotisation supplémentaire.
Cet exemple illustre à quel point la réactivité sera déterminante dès 2026.
La DSN de substitution, opérationnelle dès mai–juin 2026, constitue une véritable révolution pour les entreprises. Elle consacre la volonté des organismes sociaux de sécuriser les droits des salariés, quitte à corriger directement les données transmises.
Pour les employeurs, l’enjeu est double :
- éviter de perdre la maîtrise de leurs déclarations en corrigeant rapidement les anomalies,
- transformer cette contrainte en opportunité pour améliorer la qualité et la fiabilité de leurs processus paie.
La meilleure préparation consiste à agir dès 2025 : renforcer la gouvernance DSN, exploiter les CRM comme de véritables outils de pilotage, former ses équipes et mettre en place des procédures claires de suivi et de contestation.
En somme, la DSN de substitution n’est pas une sanction, mais un garde-fou. Ceux qui sauront l’anticiper en sortiront gagnants, en protégeant à la fois leurs salariés et leur organisation.
Podcast : DSN de substitution : Comment l’Urssaf corrige vos erreurs à votre place ?
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