La paye des dirigeants est très différente de celle des autres salariés. Du bénéfice de l’épargne salariale en passant par la gestion des frais professionnels et des avantages en nature, cette paye nécessite une vigilance absolue. Sans oublier encore la question des cotisations chômages.

Le dirigeant est un simple mandataire

En principe, pas de contrat de travail pour le dirigeant

Les dirigeants sont en principe des mandataires sociaux. Ils ne sont pas tenus par un contrat de travail, ainsi ils échappent au droit du travail et notamment au Code du Travail et aux conventions collectives.

Quelles sont les conséquences de ce statut particulier ?

En pratique, le dirigeant peut donc ne pas être rémunéré du tout ou bien l’être en-dessous du SMIC. De plus, il n’est pas soumis à la durée légale du travail (par exemple, il n’y a pas d’heures supplémentaires).

Il ne peut prétendre ni aux congés payés, ni à l’application des règles relatives au licenciement (par exemple, le préavis), ni à celles relatives au dimanches et aux jours fériés.

Notons qu’il faut distinguer dirigeant social et cadre dirigeant. Ce dernier est un salarié à part entière ;  il est affilié à l’assurance chômage et est soumis au Code du Travail. Il n’est cependant pas soumis à la réglementation relative à la durée du travail.

Le dirigeant doit-il avoir recevoir un bulletin de paie ?

Il n’existe aucune obligation légale d’établir un bulletin de paye au profit du dirigeant social sans contrat de travail.

En pratique, il se voit fréquemment remettre un « bulletin » pour son éventuelle rémunération de mandataire social. Sa présentation peut être calquée sur celle d’un bulletin de paye « standard » et faire apparaître le détail de sa rémunération, les divers précomptes sociaux (à l’exclusion de l’assurance chômage à laquelle le gérant n’est pas affilié) et le net imposable.

Cumuler mandat et contrat de travail

Mandataire et salarié : les règles à respecter

Certains dirigeants peuvent être en même temps mandataires et salariés. Ce cumul suppose, entre autre conditions, que les dirigeants soient liés par un contrat de travail correspondant à de vraies fonctions techniques distinctes du mandat social en contrepartie d’un salaire. Il implique également qu’il se trouve dans une situation de subordination.

Quel impact sur la paye ?

Les dirigeants qui cumulent mandat et contrat de travail bénéficient, grâce à ce dernier, de toutes les dispositions du droit du travail. Ainsi leur sont notamment applicables les règles relatives au SMIC, à l’indemnité de licenciement, aux congés payés.

Il en est de même de celles relatives à la durée du travail sauf si la fonction « salariée » correspond à celle d’un cadre dirigeant.

Deux bulletins de salaire

Le dirigeant cumulant ainsi les « casquettes » de mandataire et de salarié se voit remettre un premier bulletin de paye correspondant à son contrat de travail. Un second bulletin correspondant à sa qualité de mandataire lui est également remis.

Pas de cotisations chômage, ni d’AGS

Le principe

Les dirigeants qui ne sont pas tenus par un contrat de travail ne cotisent pas à l’assurance chômage. Peu importe qu’ils soient affiliés ou non au régime général de la sécurité sociale.

En cas de cumul

Les dirigeants qui ne peuvent pas cumuler mandat social et contrat de travail (par exemple, le gérant majoritaire de SARL) n’ont aucun intérêt à cotiser à l’assurance chômage. Ils ne s’y ouvrent, en effet, aucun droit malgré les cotisations versées. Au contraire, les dirigeants liés par un contrat de travail y cotisent.

Notons que le seul fait de cotiser à l’assurance chômage n’ouvre pas de droit aux prestations chômage si toutes les conditions d’un véritable contrat de travail ne sont pas réunies.

Assurance-chômage : comment éviter de cotiser à perte ?

Interroger le Pôle Emploi

Pour éviter de cotiser à perte, le dirigeant peut saisir préalablement le Pôle Emploi afin qu’il examine sa situation. En l’absence de cette demande préalable, le Pôle Emploi saisi d’une demande d’allocations chômage d’un dirigeant, lui adresse une demande d’information.

Il dispose de 15 jours pour répondre après quoi, il instruit son dossier et prend sa décision.

Concrètement, le dirigeant doit s’adresser au Pôle Emploi du lieu d’affiliation de l’entreprise et demander un formulaire correspondant à sa situation (par exemple, administrateur de SA, gérant de SARL, etc.). Il doit lui être transmis dans les 5 jours.

Le Pôle Emploi instruit ensuite le dossier dès réception du formulaire dûment rempli et notifie sa décision dans un délai de 5 jours.

Remarquons que si la situation du dirigeant est complexe, le Pôle Emploi accuse réception, dans un premier de sa demande. Il y joint, si nécessaire, une demande de pièces ou d’informations complémentaires. S’il manque des pièces, le Pôle Emploi envoie une lettre de rappel.

L’avis favorable du Pôle Emploi

Lorsqu’il estime le contrat du dirigeant valable, le Pôle Emploi lui notifie un avis favorable, « sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux ». Les cotisations chômage et AGS sont alors dues. Elles peuvent être éventuellement appelées dans les limites des trois années qui précèdent la date à laquelle Pôle Emploi a reçu la demande de renseignements complète.

Cet avis favorable du Pôle Emploi  l’engage, tant que la situation du dirigeant ne change pas. Le dirigeant peut alors prétendre aux prestations chômage sous réserve de justifier des diverses conditions d’ouverture de droits.

Notons également que le Pôle Emploi n’est pas lié par son avis favorable s’il apparaît un différend au jour de la rupture entre l’employeur et le dirigeant sur sa qualité de salarié. Il est recommandé d’interroger le Pôle Emploi à chaque changement de situation, sous peine de mauvaises surprises lors du dépôt d’une demande d’allocations.

Lorsque Pôle Emploi donne un avis défavorable

En cas d’avis défavorable rendu par le Pôle Emploi, les rémunérations du dirigeant ne sont pas assujetties aux cotisations d’assurance chômage et d’AGS.

L’entreprise peut même obtenir le remboursement de celles qui auraient été versées à tort, dans la limite de la prescription de 3années. En pratique, il faut joindre à la demande de remboursement une attestation du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l’expert-comptable, justifiant du versement effectif des cotisations.

Au moment d’une demande de prestations

Lorsque le dirigeant demande des prestations chômage, le Pôle Emploi procède à un examen complémentaire du dossier. Selon l’ancienneté de l’avis (favorable ou défavorable), le Pôle Emploi peut demander des informations complémentaires (par exemple : changement de situation).

Toutefois, sauf changement de situation, le Pôle Emploi est lié à l’avis précédent.

S’il n’y a pas de demande préalable du dirigeant, le Pôle Emploi lui adresse une demande d’informations. Il dispose alors de 15 jours pour répondre ; après quoi, le Pôle Emploi instruit le dossier et prend sa décision.

Le recours à des assurances privées

Le dirigeant auquel l’affiliation au Pôle Emploi est refusée peut adhérer à titre personnel à des systèmes d’assurances privées.

Les deux principaux systèmes d’assurance sont :

  • la garantie sociale des chefs d’entreprise (GSC) : 42, avenue de la Grande Armée, 75017 Paris (téléphone : 01 45 72 63 10),
  • l’association pour la protection des patrons indépendants (APPI) : 25, Boulevard de Courcelles, 75008 Paris (téléphone : 01 45 63 92 02).

Les cotisations sociales à payer

Dirigeants assujettis d’office au régime général

Certains dirigeants sont considérés automatiquement par le code de la sécurité sociale comme salariés. Ils sont à ce titre affiliés au régime général de sécurité sociale.

Rémunérations soumises à cotisations de sécurité sociale

Toutes les sommes versées au dirigeant assujetti au régime général de sécurité social au titre de son contrat ou de son mandat social sont soumises à cotisations de sécurité sociale.

L’assiette des cotisations

L’assiette des cotisations est constituée du montant de la rémunération du mandat social (jetons de présence, sommes inscrites au compte courant du dirigeant, etc.), des avantages en nature, des cotisations GSC et APPI prises en charge par l’entreprise, le cas échéant, du gain généré par la levée de stock-options et, en cas de cumul avec in contrat de travail, de la rémunération versée en contrepartie des fonctions salariées.

Notons que si les deux rémunérations du dirigeant (contrat de travail + mandat) sont établies sur deux supports distincts (un bulletin de paie et un autre document), certains estiment possible d’appliquer des règles au prorata pour les salariés à employeurs multiples.

Versement sur un compte courant

Un dirigeant social peut accepter de différer la perception de sa rémunération pour une inscription à son compte courant. Cette pratique est sans incidence sur le paiement des cotisations qui n’est pas différé.

Elles restent dues sur les rémunérations inscrites au compte courant considérées comme mises à la disposition du dirigeant.

Peu importe que le montant soit ensuite réduit par des versements au crédit de ce compte courant. Peu importe également que le dirigeant abandonne ensuite ses rémunérations.

En revanche, les cotisations ne sont pas portées à un compte de « Charges à payer » ou de « Provisions ». Il en est de même si elles correspondent à une distribution ou une avance de dividendes.

Cotisations URSSAF

Les dirigeants relevant du régime général sont redevables des cotisations sociales (assurance maladie, assurance vieillesse, accidents du travail et allocations familiales), de la contribution de solidarité autonomie, du FNAL, du versement de transport, de la CSG et de la CRDS, du forfait social comme le sont les autres salariés (par exemple : taux de recouvrement).

Attention aux paramétrages des logiciels de paye

Il est nécessaire de prêter une grande attention aux paramétrages de votre logiciel de paie, certaines règles de paie ne sont en effet applicables qu’aux dirigeants non liés à un contrat de travail :

  • assiette minimale des cotisations,
  • abattement d’assiette pour temps partiel (le plafond ne pourrait être proratisé que pour la rémunération liée à l’éventuel contrat de travail à temps partiel dont serait par ailleurs titulaire le dirigeant),
  • neutralisation du plafond de la sécurité sociale (par exemple, certaines absences), y compris dans l’hypothèse d’une fermeture saisonnière de l’entreprise.

Retraite complémentaire

Les dirigeants relevant du régime général sont assujettis aux caisses AGIRC et ARRCO selon les règles de droit commun. Les dirigeants doivent cotiser à l’AGFF dès lors qu’ils relèvent de l’AGIRC et de l’ARRCO, même s’ils ne sont pas titulaires d’un contrat de travail.

A suivre…

La seconde partie de ce billet sera consacré à l’épargne salariale, aux frais professionnels, aux avantages en nature, à l’impôt sur le revenu et aux indemnités de rupture. Cette seconde partie est intitulée « Comment établir la paye du dirigeant ? ».